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Interview de Liviu Apostoiu, vice-président de la fédération syndicale de la métallurgie, confédération CARTEL-ALFA, de Roumanie. Cette interview a été réalisée dans le cadre du projet IRENE (Innovative Restructuring- European Networks of Experts) soutenu par la Commission Européenne et piloté par l’association ASTREES

Comment les Roumains perçoivent ils en général l’affaire Nokia ?

nokia roumanie

Le citoyen roumain est assez content de voir Nokia arriver. C’est une firme célèbre, son arrivée signifie des emplois, un développement pour la région de Cluj, de nouvelles infrastructures. Pour les syndicats c’est autre chose. Car si Nokia a pu décider de quitter l’Allemagne du jour au lendemain, sans véritable consultation des travailleurs et de leurs représentants, cela signifie qu’ils pourront procéder de la même manière ici. Nokia ne vient pas pour rien en Roumanie. L’entreprise est venue chercher de la main d’œuvre pas chère. Chez nous, le salaire moyen est de 350 € et le salaire minimum de 120 €. Selon nos informations, Nokia pratiquera des salaires inférieurs aux salaires moyens ! Mais surtout l’entreprise vient de demander à notre gouvernement de rendre notre législation plus flexible, de pouvoir raccourcir la durée des contrats à durée déterminée, de pouvoir les renouveler plus souvent. Ils veulent pouvoir employer des étudiants, les payer au minimum de 120 €, les faire travailler 12h par jour. Paul Pacuraru, notre ministre du travail vient de leur répondre de manière positive en affirmant qu’être membre de l UE signifiait pouvoir flexibiliser le travail.

Vous sentez vous solidaires des travailleurs allemands ?

Quand Peter Scherrer, le président de la Fédération Européenne des métallurgistes (FEM) nous a appelé et nous a demandé d’envoyer un message aux salariés de Bochum le jour ou ceux-ci organisaient une manifestation monstre contre la décision de fermeture, nous avons beaucoup discuté dans notre syndicat. Mais nous sommes membres de la FEM ainsi que de la fédération mondiale des métallurgistes. Alors, à la majorité, nous avons décidé d’envoyer un message de solidarité et pas seulement pour être polis ou faire plaisir aux Allemands. Notre message disait ceci : « Nous ne pouvons pas stopper la globalisation. Mais nous avons besoin de travailler ensemble car dans quelques années, nous serons dans la même situation. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons modifier les pratiques dans l’UE et que nous pourrons espérer une meilleure législation. Nous avons besoin de règles communes valables dans tout le continent européen, a l’instar de ce que pourraient prévoir des conventions collectives sectorielles paneuropéennes ». Evidemment ces règles seraient applicables aux entreprises qui délocalisent dans l’UE.

Avez-vous des adhérents chez Nokia-Roumanie ?

Notre représentant local a essayé d’entrer chez Nokia et de parler avec les gens là-bas. Mais ceux ci ont eu peur, même de lui parler. Ils savent qu’ils seraient immédiatement licenciés. Nous essayons de former, à l’extérieur de l’entreprise, un premier groupe d’une quinzaine d’adhérents et ensuite d’enregistrer ce syndicat auprès des tribunaux comme le veut notre législation. Depuis que nous avons mené toute une campagne de presse qui disait que Nokia allait traiter ses salaries comme des esclaves, la direction de Nokia a demandé à parler avec la direction de notre fédération. Mais je ne sais pas encore ce qui va en sortir.

Propos recueillis par Claude-Emmanuel Triomphe

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