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par Manager sous X

Pas facile d’être manager de nos jours ! Pris entre le marteau et l’enclume, ceux-ci doivent assumer un rôle qui devient de plus en plus stressant.

Harceleur ou harcelé

Les actionnaires, le « Corporate », la Direction, s’appuient sur les managers pour relayer la stratégie et décliner les objectifs de l’Entreprise. Mais quand le manager se retourne vers ses collaborateurs pour répartir la charge de travail, il se retrouve parfois confronté aux ruses de certains qui se cachent derrière tous les artifices mis à leur disposition pour refuser.

Les salariés pourraient assumer leur choix : « je ne suis plus en phase avec ma société, mon Groupe, mon management,… je prends la décision adulte et responsable de trouver une solution : 1) j’explique mon point de vue à mon manager, 2) je propose des alternatives voire des solutions, 3) et si rien n’y fait, je cherche une autre société dans laquelle je pourrais exprimer mes points de vue… ». Au lieu de cela, certains collaborateurs préfèrent une méthode plus sournoise mais qui a fait ses preuves : le harcèlement.  Avantage :  il est extrêmement difficile à prouver. Un manager harcelé ? Impossible ! Son lien de subordination fait de lui un harceleur potentiel et non l’inverse ! Et pourtant la situation existe ! Je l’ai rencontrée…

Peu après sa prise de fonction, monsieur Hiks s’est rapidement aperçu que les « rumeurs » qui couraient sur madame Igrek, une de ses collaboratrices, étaient fondées. Mais fidèle à sa ligne de conduite, il préférait s’en tenir à ses propres observations et ne tenait nullement à être influencé par qui que ce soit et encore moins par des rumeurs… De plus, ayant une expérience de management dans une précédente entreprise, il se faisait fort de « remettre au travail » cette salariée considérée par tous comme étant « tire au flanc ». Il la convoqua donc et décida de jouer franc jeu. Il lui expliqua que même si sa réputation la précédait, lui n’en tiendrait pas compte et voulait avoir son point de vue sur sa charge de travail, le service, ses relations avec ses collègues,… La collaboratrice, très ouverte durant tout l’entretien, expliqua que ses collègues la jalousaient car elle avait postulé sur un poste d’encadrement et en avait assuré l’intérim jusqu’à l’arrivée du manager en titre. Mais elle l’assura de son implication dans son job.

L’histoire se compliqua quand Hiks se rendit compte suite à plusieurs remontées d’info des collègues de madame Igrek qu’elle créait véritablement une mauvaise ambiance dans le service. Elle s’appuyait régulièrement sur le travail de ses collègues pour se faire valoir auprès de sa hiérarchie qui de ce fait ne pouvait rien lui reprocher d’un point de vue « résultats professionnels ». Il prit donc la décision de la convoquer à nouveau pour lui faire part des reproches qui n’étaient certes pas uniquement sur son travail (celui-ci était fait en temps et en heures) mais surtout sur son comportement. Sûr de son bon droit, Hiks se mit à suivre de près le travail de madame Y et lui demanda de changer de comportement vis-à-vis du reste de l’équipe.

L’histoire aurait pu s’arrêter là si Igrek ne s’était mise à reprocher à Hiks sa subjectivité et à l’accuser de harcèlement moral. Proche des organisations syndicales, elle demanda à ce que le sujet soit abordé dans le cadre du CHSCT, ce qui fut fait ! Le DRH fut saisi de l’affaire et « sommé » de résoudre au plus vite ce cas de harcèlement moral… Après avoir reçu le manager et la salariée, le DRH accepta une expertise dans le cadre du CHSCT. L’ensemble des collaborateurs du service furent alors reçus ainsi que les deux protagonistes et le rapport montra que les faits reprochés à Hiks n’étaient pas fondés. Le manager n’était pas un harceleur ! Et le véritable harcelé était celui que l’on prenait pour un harceleur…

Aujourd’hui si un collaborateur « veut en faire baver »  à son chef, il a toute la panoplie juridique et sociale à disposition : le stress, le harcèlement moral, la maladie, le refus d’être évalué sur des comportements, le manque de formation, la discrimination… Autant de points qui, suivant la façon dont ils sont exploités par le collaborateur peu scrupuleux, peuvent prêter à confusion et aboutir à une condamnation du manager qui ne fait ici que son travail ! Attention à ne pas créer une nouvelle génération de managers qui n’oseront plus faire des remarques à leurs collaborateurs, leur fixer des objectifs, les évaluer, suivre leur évolution, prendre des décisions, de peur de se faire traiter de harceleurs !

Dans son livre Petites proses, Michel Tournier remarquait qu’à force de dire dès leur plus jeune âge à nos enfants « de ne pas regarder, de ne pas toucher, de ne pas… oser tout simplement, on créait des êtres manchots, aveugles et immobiles » ! Bref, veut-on vraiment des managers qui ne managent plus ?

 

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