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bergere

La question des migrations est devant nous. Elle concerne notre petite planète et tous les pays de l’Union Européenne, sans exception.

Longtemps les choses ont été simples. Il y avait les pays d’émigrations et les pays d’immigrations. Au bout, soit l’assimilation, soit le retour au pays, enrichi et sage. Il fallait y ajouter les flux intérieurs à chaque pays qui ont vidé les campagnes de leurs paysans et concentré les populations dans des agglomérations de plus en plus tentaculaires. Georges Perec pouvait alors faire la différence entre ceux qui habitent Paris et ceux qui habitent à Paris. Ceux-là  rejoignaient pour la plupart eux aussi leur terre natale. Le caveau familial, là haut sur la montagne qui est si belle, les y attendait.

Tout est plus compliqué aujourd’hui. Les migrations se sont accélérées durant les dix dernières années en Europe notamment. Et ce n’est pas terminé. Paul Virilio estime à 200 millions le nombre de personnes forcées de se déplacer d’ici 2050 (soit le même nombre que celui estimé de personnes vivant à l’étranger aujourd’hui). Les flux ne sont plus à sens unique. Les parcours se croisent. L’exemple du Portugal est significatif. Longtemps terre d’émigration -on estime à 10% la population vivant hors du pays-, il est devenu, au moins temporairement, une terre d’immigration. Les émigrants des pays d’Europe Centrale et Orientale, à peine installés, pensent au retour. Des français archi-diplômés s’installent à Londres ou en Californie ou plus temporairement à la direction d’une usine quelque part en Europe.

Les motifs des migrations se sont beaucoup diversifiés. Il est souvent difficile de les distinguer, comme aiment à le faire les statisticiens et les administrations. Besoins de sécurité pour soi-même, ses projets ou sa famille, études à mener, motifs politiques, raisons économiques, espoirs de valoriser une formation et un diplôme, ambitions reportées sur ses enfants, volonté de rejoindre un conjoint, sa famille ou son amour, changement climatique,… Les motifs peuvent s’ajouter et conduire certains, à tenter l’aventure de l’exil, voire de la clandestinité pendant que d’autres, nomades armés de téléphones portables  et de valises à roulettes, nouveaux citoyens du monde, vont entreprendre la tournée mondiale des aéroports, des métropoles et des jobs prestigieux.

Un stock, une option

Les politiques publiques, nationales comme européennes (en gestation), ne savent plus sur quelle doctrine elles doivent s’appuyer. Brassage, assimilation, intégration, métissage, diversité, hospitalité, identité nationale, citoyenneté européenne ? La pureté ethnique a pu être revendiquée par quelques uns. Le protectionnisme est toujours une tentation. Les politiques qui ont prétendu maîtriser et les flux et les stocks, choisir les bons migrants, respecter des quotas, ont toutes échoué. Les questions liées à la concentration géographique, à la ségrégation urbaine ou à la clandestinité ne sont pas traitées. Il est vrai que les discours sur la maîtrise, la souveraineté et la sécurité s’adressent sans doute d’abord à l’opinion publique.

En partageant avec une partie de cette opinion l’idée que immigré signifie problème, menace, danger, intrusion (voire invasion) et donc besoin de protection (pour son emploi comme pour ses biens), elles n’ont pas permis de poser tranquillement cette question. Qu’on juge de cette distorsion entre faits et représentations. L’Enquête sociale Européenne a réalisé un sondage en 2003. Interrogés sur le nombre de migrants que reçoit leur pays « comparé aux autres pays européens de même taille environ », 57% des européens répondent plus et bien plus, contre seulement 14% moins ou bien moins. Les Français eux pensent qu’il y a un pourcentage d’immigrés trois fois supérieur à celui que reconnaît l’OCDE (29% contre 10%) (d’après Le Temps des Immigrés. François Héran. La République des Idées).

J’oubliais un dernier point : l’Europe s’inquiète de la baisse de sa population. Elle s’inquiète de son vieillissement, non pas à cause de la croissance heureuse de l’espérance de vie bien sûr, mais à cause des conséquences sociales, économiques et culturelles de ce bouleversement démographique. Natifs et immigrés, il va falloir apprendre à vivre et à vieillir ensemble.

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Directeur d’une Agence régionale de développement économique de 1994 à 2001, puis de l’Association Développement et Emploi, devenue ASTREES, de 2002 à 2011. A la Fondation de France, Président du Comité Emploi de 2012 à 2018 et du Comité Acteurs clés de changement-Inventer demain, depuis 2020. Membre du Conseil Scientifique de l’Observatoire des cadres et du management. Consultant et formateur indépendant. Philosophe de formation, cinéphile depuis toujours, curieux de tout et raisonnablement éclectique.