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Chômage partiel et autres modalités de réduction provisoire du temps de travail ont été largement utilisés par de nombreux pays européens pour atténuer avec succès les effets de la crise. On aurait fait de la flexicurité sans le savoir. La fondation de Dublin qui vient d’éditer un rapport fort intéressant sur le sujet y voit une extension du concept et propose, sous conditions, d’appliquer cette nouvelle forme de flexicurité en dehors des périodes de crise.

Que s’est-il passé entre 2008 et 2010 et quels enseignements propose la fondation ?

 

Récession et accroissement du chômage

Le ralentissement de la croissance intervient dès 2008 et la récession se généralise en 2009 dans toute l’Union. Le taux de croissance négatif du PIB de tous les Etats membres, à l’exception de la Pologne, s’accompagne d’une augmentation rapide du chômage. On observe que la corrélation entre récession et chômage est très variable selon les pays. L’Allemagne et le Danemark connaissent tous deux une récession de – 4,9%. Le Danemark voit son chômage augmenter de 81,8% par rapport à l’année précédente, alors que le chômage allemand n’augmente que de 2,7%.
Les fortes récessions en Allemagne, Luxembourg, Slovénie, Finlande, Hongrie, Italie et Belgique ont entraîné des augmentations du chômage bien inférieures à celles auxquelles on aurait pu s’attendre.

 

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De nombreux facteurs expliquent les variations nationales du chômage, entre autres, la structure des emplois. Globalement, les secteurs de service ont été moins touchés que ceux de l’industrie, de la construction ou de l’agriculture. Pour les seuls secteurs de l’industrie et de la construction, 5 millions de travailleurs européens ont perdu leur emploi entre le dernier trimestre 2008 et le 1er trimestre 2010. Pourtant, la dégradation de l’emploi aurait pu être pire. La mise en place de formules de temps réduit provisoire, en particulier dans l’industrie, a permis de limiter les dégâts.

 

Développement des formules de temps réduit (ESTW, economic short time working)

Entre 2008 et 2009, les salariés européens en « chômage partiel », pour reprendre la dénomination française, triplent pour atteindre le chiffre de 2 millions. Ce sont l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et la France, qui développent le plus ces modalités. A l’inverse, République tchèque, Slovaquie, Bulgarie, Portugal, Espagne, optent peu pour ces formules et connaissent d’importantes vagues de licenciements.

 

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Qui sont ces travailleurs à temps réduit ?
En 2009, 55% des salariés européens dont on a réduit le temps de travail sont Allemands (environ 604 000) et Italiens (459 000). L’Allemagne et l’Italie utilisent ces formules de longue date et les déploient largement pendant la crise.
72% des travailleurs européens en temps réduit sont des hommes, plutôt d’âge moyen et ayant un niveau de formation secondaire ou primaire.

Principales caractéristiques de la flexicurité de crise

La fondation de Dublin a notamment analysé 15 politiques publiques de réduction du temps de travail destinées à éviter des licenciements.
Ces politiques ont très généralement fait l’objet de concertations ou de négociations entre employeurs, salariés et Etat ou régions, facteur essentiel de leur succès.
Elles ont été mises en œuvre pour des durées limitées, avec des réductions du temps de travail variant de 10 à 100%.
Les coûts ont été partagés entre salariés, employeurs et puissance publique, autrement dit collectivités nationales ou régionales. Les compensations accordées aux salariés se sont échelonnées entre 55 et 80% du salaire antérieur.
La très grande majorité des parties prenantes s’est accordée sur le principe de dispenser une formation pendant les périodes non travaillées. Dans la pratique, la mise en œuvre de ces formations s’est heurtée à de multiples freins et s’est peu concrétisée : manque de motivation des salariés, inexpérience des PME en la matière, multiplicité des organismes de formation, problèmes de coûts, incertitude sur la durée du passage à temps réduit…

 

L’extension du concept de flexicurité

La fondation de Dublin analyse ces modulations du temps de travail au cours des trois dernières années comme une extension du concept de flexicurité et propose d’en faire un outil utilisable par les entreprises en période « normale ».
La fondation constate que la flexicurité telle que mise en œuvre avant la crise a été considérablement freinée par l’essor du chômage et la diminution des emplois vacants. Cette flexicurité qui devait faciliter les changements d’emploi sur le marché du travail n’a plus fonctionné. C’est une nouvelle forme de flexicurité, cette fois ci interne aux entreprises, qui a pris le pas. Elle aussi combine souplesse pour les employeurs et sécurité pour les salariés. La fondation y voit un outil que l’on pourrait proposer à des entreprises « éligibles », c’est à dire viables et en bonne santé mais rencontrant des difficultés conjoncturelles. Quand aux salariés, ils pourraient quasiment tous être « éligibles », « cols bleus » comme « cols blancs », à temps partiel ou à temps plein, salariés de l’entreprise ou intérimaires.
Une approche tripartite, salariés, employeurs, gouvernement, serait une condition essentielle pour garantir une « bonne » utilisation de cette flexicurité interne aux entreprises. Il s’agit d’éviter abus, effets d’aubaine, coûts indus pour la puissance publique. Principes de souplesse et de sécurité pourraient être définis à une maille nationale avant mise en œuvre, parmi ceux ci : implication des salariés ou de leurs représentants dans le déclenchement des mesures, coûts supportés en partie par les entreprises, aides publiques limitées dans le temps, maintien de la protection sociale pour les salariés y compris en matière de retraite, formation ….

Le débat va-t-il s’ouvrir ?

 

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