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Laurent Zylberberg, directeur des relations sociales, revient sur la crise sociale et la mise en œuvre d’un nouveau « nouveau contrat social » chez France Telecom-Orange.

 

FT

La crise sociale est-elle résolue chez France Télécom-Orange ? 

Le plus important est d’aller vers un changement positif et je crois que le contexte s’est sensiblement amélioré. La réponse aux suicides ne pouvait pas être une réponse individuelle, elle est nécessairement collective. Je ne suis pas capable d’expliquer le geste d’une personne qui se suicide. Il s’agit de l’intime. Une crise sociale se résout dans le dialogue social.

 

 

Combien de suicides ont-ils été imputés à l’entreprise ?

Peu de procédures sont en cours. Il faut distinguer les cas des personnels fonctionnaires, des contractuels. Les premiers entrent dans le processus des décisions administratives et des recours qui leur sont propres alors que les seconds sont étudiés par les CPAM. Jean-Marc Boulanger, Inspecteur Général des Affaires Sociales, a été missionné par le ministre du travail de l’époque Xavier Darcos pour étudier sept cas.

 

Depuis fin 2009, vous avez signé 8 accords : emplois et compétences, stress, organisation du travail, séniors. Vous investissez 900 millions sur le « nouveau contrat social ». Quelles sont les perspectives de mise en œuvre ?

Ce n’est pas le nombre d’accords signés qui est gage de la qualité du dialogue. Un signe de vitalité incontestable du dialogue social par contre, c’est que toutes les organisations syndicales ont signé au moins un de ces accords. Comme le prévoit la loi, ils sont signés au moins à 30% et la plupart d’entre eux sont majoritaires.

 

Leur point commun, c’est qu’ils ont été négociés sur une période longue. Et à la fois, ils font partie d’un nouveau contrat social, dont tous les salariés ont reçu un exemplaire à domicile (NB : ce nouveau contrat social prévoit 10 000 embauches d’ici 2012, prévention des risques psychosociaux, évolutions de la politique RH etc…). En 12 à 18 mois, la réaction a été finalement assez rapide face à la crise.

 

Ces accords sont structurants. Ils sont nés des résultats de l’enquête Technologia à laquelle 80 000 employés ont répondu, et des assises de la refondation sociale (3000 réunions). Ces accords sont le fruit d’échanges avec tous les salariés, et pas seulement entre les Ressources Humaines et les partenaires sociaux.

 

Certains ont une application immédiate, comme le gel des mobilités pour une personne qui est à trois ans de la retraite, ou encore la prévention des risques psycho-sociaux. D’autres énoncent des principes d’organisation du travail dans un accord très innovant. Il s’agit de principes qui doivent être confrontés à la réalité et donc qui engagent un changement culturel inscrit dans le temps.

 

Le programme de mobilités forcées a été suspendu un moment. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Aujourd’hui, il existe deux types de mobilités. D’un côté, celles qui relèvent de la volonté du salarié et qui s’effectuent en fonction des possibilités de l’entreprise (100 000 salariés répartis sur plusieurs centaines de sites). De l’autre, celles liées à des projets de l’entreprise, fermeture de site ou autres pour lesquels les risques psychocociaux sont systématiquement pris en compte. Les projets peuvent être très différents les uns des autres. Il peut s’agir d’un déménagement de Paris XIIIème vers Saint-Denis. Quand la distance est problématique, le processus d’accompagnement propose trois postes de niveau équivalent au salarié, ou bien une formation si son métier disparaît. D’où la négociation GPEC en cours.

  

Pour éviter cette crise sociale, n’aurait-il pas mieux valu faire un plan social, plutôt qu’une restructuration silencieuse ?

Un plan social signifierait qu’on ait eu besoin de procéder à des licenciements économiques. Ce n’est pas le cas.

 

En ce qui concerne les 22 000 suppressions d’emploi. Celles-ci se sont faites sous la forme de départs en retraite, de mobilité vers d’autres fonctions publiques, d’essaimage ou de projets personnels accompagnés. A l’exception des départs en retraite, bien sûr, tous les départs prévoient une clause de retour de 10 ans dans leur contrat.

 

Nous n’avions pas de raison de faire un plan social. Donc le terme de « restructurations silencieuses » n’est pas adéquat…  ou alors c’est un silence assourdissant, vu les débats qui ont eu lieu.

 

L’entreprise n’a-t-elle pas créé des situations de huis clos ? On a parlé de « burn out », de méthodes de management « perverses », d’affaiblissement des collectifs.

Je ne crois pas qu’on se soit retrouvé en situation de huis clos. Le collectif de travail s’est modifié entièrement avec le temps. Le changement a été organisé avec les salariés de l’entreprise. Le bilan social pointe par exemple qu’un tiers des salariés ont plus de 30 ans d’ancienneté, un quart plus de 25 ans. Ces personnes ont participé à  la transformation de l’entreprise.

 

Le corps social de France Telecom est habitué aux modifications, pas seulement technologiques. Ce qui est frappant, c’est que la crise sociale a coïncidé avec la crise mondiale. Pour diverses raisons autres, ça a conduit à des incompréhensions au sein de l’entreprise. Au sein même de l’entreprise il n’y a pourtant pas de grand conflit social malgré le malaise évident. Je constate même qu’au moment de la réforme des retraites, les journées d’actions ont été davantage suivies que pendant la crise sociale interne.

 

Selon Francis Ginsbourger, cette crise sociale n’a pas conduit à une demande accrue de protection ou de réparation, mais plutôt à une volonté de débattre des métiers, des objectifs, des transitions. Contrairement à l’idée reçue qu’on peut se faire d’un fonctionnaire, il refuse d’être passif. L’analysez-vous comme cela ?

Dans la vie quotidienne des équipes de France Télécom, le statut des gens n’est pas structurant dans le travail, dans ma propre équipe, je ne sais pas qui est fonctionnaire ou pas. Vu de l’extérieur, cela n’est pas évident, sans doute parce que « la garantie de l’emploi » est perçue comme un élément très fort.

 

Lorsque je vais sur le terrain, je remarque que la confiance est très forte dans la volonté de la direction d’engager le changement, elle est à démontrer tous les jours concrètement. Cela se fait par des actes, puis au quotidien, se transcrit dans des propositions pour renouer du lien social : comme la plateforme plazza, un réseau social interne. Ou encore le « hello tour » (NB : un tour de 4 000 kms dans lequel des salariés vont à la rencontre d’autres salariés en faisant découvrir l’ensemble des métiers du Groupe).

 

Vous avez plusieurs groupes, notamment au niveau européen, qui planchent sur la santé au travail et le stress. Quelles dispositions ont été prises pour la santé mentale ? 

Pour les personnes malades, le travail est curatif par principe, mais il est de la responsabilité première de l’entreprise de travailler sur la prévention. Il faut empêcher que les gens qui sont en situation complexe soient abîmés par le travail. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’une crise sociale doive être médicalisée. La réponse est avant tout sociale.

 

Nous avons mené un projet européen dans cette optique qui s’intitule « Good Work, Good Health » (voir le détail sur www.gwgh.eu). Enfin, un comité de groupe européen se penche sur le stress et est en train d’établir un questionnaire destiné à l’ensemble des salariés du groupe d’ici la fin du premier semestre 2011.

 

 

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