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par Thomas Schnee

Depuis une dizaine d’années, les pratiques d’évaluation du travail des salariés et du „management de la performance », via des programmes intégrant autoévaluations, entretiens individuels et définition d’objectifs, se sont fortement développés en Allemagne.

 

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« Il n’existe pas de statistiques sur le sujet, mais ces méthodes se retrouvent aujourd’hui dans tous les secteurs. Bien sûr, plus l’entreprise est importante et plus le capital humain est déterminant dans son activité, plus on a de chance d’y trouver un système d’évaluation développé et efficace. Car un tel système demande du temps et de l’engagement de la part de la direction des entreprises. Les managers qui ne prennent pas au sérieux ce processus d’évaluation tombent rapidement dans une logique de contrôle, ce qui est profondément contreproductif, ou alors ils laissent leur programme péricliter », explique Jan-Marek Pfau, qui gère la mise en place de tels projets pour Kienbaum, un des principaux cabinets conseils en RH allemands.

 

D’après une enquête du magazine « Wirtschaftswoche », 90 % des entreprises du DAX, l’indice boursier de Francfort, ont mis sur pied de tels systèmes sous des dénominations aussi poétiques que EFA chez Siemens (Développer – soutenir – reconnaître), PEPs chez Adidas (Performance Evaluation and Planning) ou Development Cycles chez Bayer. Les procédures comprennent, en général, de deux à trois entretiens annuels, assortis de questionnaires préparatoires aux entretiens. Selon les cas, comme chez Siemens par exemple, le système d’évaluation est partiellement lié à un système de rémunération variable : « Ces pratiques d’évaluation concernent généralement le management. Selon les entreprises et les accords passées avec leur CE, elles peuvent néanmoins être étendues à d’autres catégories de salariés », précise M. Pfau. Au pays de la cogestion, un tel instrument de management doit cependant être approuvé par le comité d’entreprise : « Dans les projets que nous développons, soit nous avons un membre du CE dans le tour de table dès le début, soit le projet est soumis à approbation des représentants des salariés avant d’être implémenté. Ils sont très tatillons, notamment sur tout ce qui concerne la protection des données et l’anonymat », témoigne Jan-Marek Pfau. Du point de vue du management, cette présence du CE peut être parfois considérée comme un obstacle supplémentaire. Mais elle permet aussi d’éviter des dérapages, comme chez Siemens il y a quelques années.

 

En 2004, la première entreprise allemande a en effet mis au point un système de notation baptisé Siemens Leadership Framework, aboutissant à une classification des managers en trois catégories, des plus au moins performants. Ce système rappelle bien sur les pratiques mises en œuvre chez General Electric à la fin des années 90. La multinationale US avait mis au point un système de notation où chaque année, 10 % des managers les plus performants étaient fortement récompensés pendant que les 10 % les moins « méritants », étaient appelés à quitter l’entreprise. En réaction à ce programme, le CE central de Siemens a engagé un processus de discussion avec la direction de Siemens, en vue d’établir un système de notation moins arbitraire et impliquant les principaux intéressés. Au bout du compte, le programme EFA a vu le jour en 2006. Les représentants des salariés ont pu obtenir qu’il n’y ait plus de classification imposée d’en haut, que la définition des primes se fassent aussi en partie sur la base d’un entretien individualisé, enfin, que soit introduit une procédure de réclamation permettant aux salariés mécontents de leurs notes de défendre leur point de vue.

 

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