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L’Europe en crise s’autorise des aides publiques

publié le 2012-10-01

En principe, le respect de la libre concurrence interdit aux États membres de l’Union européenne d’aider leurs entreprises. En pratique, certains pays ont aidé massivement leurs banques, un cadre temporaire a été mis en place pour soutenir l’économie réelle entre 2008 et 2010. Le régime d’exemption ordinaire reste très strict.
Dans son édition 2011 du « tableau de bord des aides d’États », la Commission fait la distinction entre les aides publiques liées ou non à la crise.

 

Europe 2020

Hors secteur financier, le montant est stable : 73,8 milliards en 2010 dans l’Union des 27. Les aides temporaires à l’économie réelle au nom de la crise étaient seulement de 11,7 milliards en 2010, en baisse de moitié par rapport à 2009. Soit un total de 85,5 milliards. Une broutille au regard des montants déboursés ou garantis pour le secteur financier : 1 608 milliards d’euros entre 2008 et le 31 décembre 2010. Soit 13 % du PIB européen ! L’Irlande, le Royaume-Uni et l’Allemagne cumulent les deux tiers de ces aides attribuées aux banques. Il faut toutefois bien noter que les Etats ont de moins en moins recours à des aides directes inscrites dans leurs budgets. Elles contournent les interdictions en mettant en place des dispositifs d’aides « extra-budgétaires », ce qui fausse les statistiques (voir l’interview de Gabriel Colletis dans ce dossier).

Une aide d’État est définie par l’UE comme « un avantage de quelque nature que ce soit conféré sur une base sélective à une ou des entreprises par les autorités nationales ». L’article 107 du TFUE les interdit, car elles sont incompatibles avec le marché intérieur et menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». Une interdiction de principe seulement, car des exceptions existent. Elles sont reprises à l’article 108 et peuvent être de deux ordres : automatiques ou conditionnelles. Dans le premier cas, l’aide relève d’une catégorie réputée compatible avec le marché commun, la Commission doit simplement être informée. Dans les autres cas, elle doit être notifiée à l’avance à la Commission qui décide ou non de l’autoriser.

Entre 2005 et 2009, face à un système qu’elle jugeait de moins en moins lisible, la Commission a réalisé une vaste réforme avec pour objectifs de simplifier et de rationaliser ces procédures, tout en favorisant davantage les aides en lien avec la stratégie de Lisbonne. Elle s’est notamment dotée d’un Règlement Général d’Exemption par Catégorie (RGCE) qui étend désormais les exemptions de notification à la Commission à 26 catégories d’aides d’États. Résultat : 88,5% des aides totales sont accordées sous la forme d’exemptions, laissant seulement 11,5% des aides faire l’objet d’une appréciation individuelle.

Des aides globalement en baisse…
Par ailleurs, la Commission veut garantir des aides d’États « moins nombreuses, mais plus ciblées ». Sur la période 2005-2010, le montant des aides non liées à la crise a chuté de manière générale. En 2010, il s’est élevé à 73,8 milliards d’euros (0,6% du PIB européen), un montant stable par rapport à l’année précédente, malgré des tendances différentes selon les pays.

 

aides publiques

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parmi celles-ci, les aides accordées à l’industrie et aux services se sont élevées à 61 milliards d’euros (0,5% du PIB), dont 85 % affectés à des « objectifs horizontaux d’intérêt commun » à l’Union européenne (renforcement de la cohésion économique et sociale, protection de l’environnement, promotion de la recherche et du développement ainsi que des petites et moyennes entreprises). Selon la Commission, il y aurait par ailleurs « un intérêt accru de la part des Etats pour l’aide au développement régional, à la recherche et à la protection de l’environnement ». Ces mesures contribueraient ainsi « à la réalisation des objectifs stratégiques d’Europe 2020, à savoir une croissance intelligente, durable et inclusive ».

… si on ne tient pas compte de la crise
En ce qui concerne les aides liées à la crise, la Commission établit ici une nouvelle distinction entre les aides accordées au secteur financier et celles qui relèvent du « cadre temporaire » mis en place en 2008 pour soutenir l’économie réelle. Dans le premier cas, le montant d’aide effectivement utilisé pour soutenir le secteur financier entre 2008 et 2010 s’élève à 1608 milliards d’euros (13% du PIB). Le gros de cette aide a été autorisé en 2008 et consistait surtout à des mesures de soutien à la liquidité (injonction de liquidités et garanties publiques sur le financement global des banques).

 

Depuis, les montants mobilisés ont diminué et les instruments utilisés relèvent davantage du soutien à la solvabilité (recapitalisation et sauvetage d’actifs dépréciés). Il est à noter que près de 60% de ces aides ont été concentrées par trois États : l’Irlande (25 % : Anglo Irish Bank, Bank of Ireland, Allied Irish Bank, Irish Nationwide Building Society), le Royaume-Uni (18 % : Northern Rock, Lloyds Banking Group, Royal Bank of Scotland) et l’Allemagne (15 % : les banques régionales Bayern LB, West LB, Nord LB, LB Baden Württemberg, IKB la banque spécialisée dans le financement des PME, Hypo Real Estate et la Commerzbank). Le commissariat à la concurrence les a autorisées au nom de l’article 107.3b qui autorise l’aide pour « remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ».

Sur le plan de l’aide à l’économie réelle, le montant total autorisé depuis l’entrée en vigueur de ce « cadre temporaire » s’élève quant à lui à 82,9 milliards d’euros (0,6% du PIB) entre 2008 et 2010. Ces aides peuvent s’adresser à l’ensemble des secteurs de l’économie, à l’exception toutefois des entreprises qui connaissaient déjà des difficultés avant la crise. Contre toute attente, les entreprises ont eu recours à seulement un tiers de la somme : 32,8 milliards d’euros ont été effectivement utilisés, dont 11,8 milliards en 2010 (contre près du double en 2009). La Commission ne s’interroge pas vraiment sur ce taux de non-recours. Est-ce que les procédures étaient trop complexes ou les conditions d’attributions trop strictes ? La Commission propose de ne pas étendre le cadre temporaire au-delà de 2011, jugeant que les mesures d’aides ordinaires peuvent désormais suffire.

La prochaine édition du « Tableau de bord » est attendue pour le mois de novembre.

 

A lire
Le tableau de bord, avec les annexes, statistiques et indicateurs pour l’ensemble des États membres.

 

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