Redonner toute leur place aux agents publics et aux organisations syndicales dans le processus de modernisation de l’action publique en France. Un défi de taille, que le gouvernement entend relever suite au sévère bilan présenté la semaine dernière sur la Révision générale des politiques publiques (RGPP).
« J’entends encore dire, ici ou là, que la concertation serait une manière de différer des réformes, regrette le premier ministre français Jean-Marc Ayrault, le 1er octobre lors du séminaire gouvernemental sur la modernisation de l’action publique. Cette vision des choses est profondément erronée et elle a d’ailleurs conduit à l’échec de la RGPP. La modernisation de l’action publique ne se fera pas contre les fonctionnaires, mais avec eux ».
Bilan amer
Le bilan présenté la semaine dernière sur la RGPP ne mâche pas ses mots. La RGPP a essentiellement consisté à rechercher des économies budgétaires rapides. La règle de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux a pris le pas sur les autres objectifs de réformes des politiques publiques. Une grande partie des mesures de la RGPP a porté sur des restructurations et des rationalisations de services et de processus, alors qu’aucune réflexion n’était parallèlement menée sur le périmètre des missions de l’Etat. L’approche de la RGPP a été, en outre, limitée à l’Etat, sans analyse des politiques partagées avec les collectivités territoriales et les organismes de protection sociale.
S’agissant de la méthode mise en oeuvre par la RGPP, la mission relève que l’absence de concertation des acteurs des politiques, des agents publics, des organisations syndicales et des usagers n’a pas permis la préparation et la conduite de véritables réformes de fond. Elle souligne aussi une conduite du changement défaillante, l’absence d’accompagnement des réformes par une gestion adaptée des ressources humaines et une communication stigmatisante à l’égard des agents publics.
Un chiffrage flou
Le rapport dénonce le « recours massif aux consultants » privés qui a coûté très cher à l’Etat. Ces chiffres avaient été révélés en décembre dernier dans un rapport très fouillé des députés François Cornut-Gentille (UMP) et Christian Eckert (PS). Entre 2006 et 2011, la Direction générale de la modernisation de l’État (DGME) qui pilote la RGPP à Bercy a consacré en moyenne 21 millions par an pour des audits de Mc Kinsey, Accenture, Capgemini, Boston Consulting Group, Ernst & Young, Mazars…
Étonnamment, ce chiffrage ne tient pas compte des dépenses faites dans les ministères qui ont recourus de leur côté à des consultants. Dans son livre noir de la RGPP, le syndicat Force ouvrière estimait les dépenses totales à 950 millions depuis 2007. À la Direction générale de la modernisation de l’État (DGME) qui pilote la RGPP à Bercy, les consultants privés représentent les deux tiers de l’effectif (63 % en 2011 contre 40 % en 2007). FO dénonce un « mélange des genres permanent. Les conflits d’intérêts sont tellement flagrants que plus personne ne semble les voir ».
En signe de désaveu, la modernisation sera désormais pilotée autrement. Le Premier ministre réunira chaque trimestre un comité interministériel de modernisation de l’action publique afin d’arrêter les orientations de la nouvelle politique de modernisation et d’en suivre la mise en œuvre ; un secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, placé auprès du Premier ministre, sera créé avant la fin du mois d’octobre.
Décentraliser
Le rapport sur la RGPP doit servir de feuille de route au gouvernement pour la suite des réorganisations. Le pilotage de la RGPP a été « trop centralisé ». « Les administrations ont été profondément restructurées, réorganisées, notamment au niveau déconcentré, mais aussi dans certaines administrations centrales. Les agents sont aujourd’hui en attente de sens sur leur action. Ils demandent à être écoutés, à ce que leur capacité de mobilisation, d’innovation, soit prise en compte. Ils souhaitent que l’on donne aux services publics la capacité d’être efficaces, en partant des besoins des usagers. Ils demandent tout simplement à ce que leurs moyens d’action soient en adéquation avec les missions qui leur sont confiées ».
Les auteurs du rapport proposent trois orientations pour améliorer l’efficacité et la lisibilité des politiques publiques :
– lancer un examen des politiques partagées avec d’autres acteurs, en commençant par les plus concernées par la décentralisation ;
– au sein de l’administration de l’Etat, donner la parole aux agents afin de recueillir leurs propositions permettant d’alléger des tâches inutilement lourdes ou d’éliminer des incohérences dans le fonctionnement des services ;
– faire de l’amélioration de la gestion des ressources humaines un chantier prioritaire, afin de se donner les moyens d’accompagner les futures réformes.
Le projet de modernisation de l’action publique vise à s’articuler avec une nouvelle étape de décentralisation.
Il reposera sur trois piliers :
– l’amélioration de la qualité du service public sur tout le territoire pour toujours mieux répondre aux besoins et aux attentes des citoyens et des acteurs économiques et sociaux ;
– l’association des agents et de leurs représentants à l’élaboration et à la conduite des réformes ;
– la définition des priorités des administrations afin d’assurer l’adéquation de leurs moyens à leurs missions.
Ces orientations seront discutées avec les organisations syndicales le 17 octobre prochain, conformément aux engagements pris par le gouvernement lors de la Grande Conférence sociale. La révision continue…
Le site de la RGPP du gouvernement français
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