L‘économie britannique est entrée en récession à la fin 2008. Depuis, les entreprises et les administrations licencient et agissent sur les salaires, la durée ou l’organisation du travail, les avantages sociaux. En période de crise, l’attention se focalise surtout sur le chômage et les licenciements, le rapport WERS (Workplace Employment Relations Study) du ministère du travail britannique analyse l’impact de la crise sur la vie au travail.
L’enquête parue le 23 janvier 2013 a été réalisée entre mars 2011et juin 2012 dans 2680 établissements privés et publics auprès des managers, des salariés et des représentants du personnel. Principaux enseignements.
Les conditions de travail se dégradent
76% des managers interviewés ont déclaré avoir pris des mesures en réponse à la crise. Le tableau suivant donne pour chaque mesure proposée le pourcentage de managers l’ayant utilisée. Toutes ces actions ont affecté le travail des salariés.
Faire des économies a été la ligne directrice des changements introduits par le management avec au premier plan la réduction de la masse salariale par le gel ou la diminution des salaires, le non remplacement des postes vacants, la réduction de la rémunération des heures supplémentaires, des primes et des dépenses de formation mais aussi par les licenciements (compulsory redundancies) et les départs volontaires (voluntary redundancies).
C’est le secteur public qui a été le plus impacté par la crise. Le gouvernement Cameron a opté pour une réduction drastique des dépenses publiques dont notamment, une réduction du nombre de fonctionnaires et de leur rémunération.
Le rapport constate qu’en 2011, 48 % des salariés du secteur public ont connu des gels ou des diminutions de salaires pour 27% dans le secteur privé. 36% des fonctionnaires ont vu leur charge de travail augmenter pour 26 % des salariés du privé. Le secteur privé connaît de fortes disparités selon les domaines d’activité. Les baisses de salaires ont été particulièrement importantes dans le bâtiment et l’augmentation des heures de travail dans le transport et les services financiers.
Les salariés demeurés dans leurs entreprises et administrations placent en tête des changements subis du fait de la crise, la baisse ou le gel des salaires et l’augmentation de la durée de travail. Ce sont les salariés à temps plein, âgés de 30 à 59 ans, plus souvent masculins et en situation de management qui ont été les plus touchés.
Par ailleurs, le sentiment de sécurité dans l’emploi a chuté de 7 points entre 2004 et 2011, passant de 67 à 60%.
La flexibilité se développe
Deux types d’action ont connu un essor non négligeable : la réorganisation du travail et le développement d’un contrat précaire, le « zero hour contract ».
Le travail posté a augmenté, 24% des entreprises l’utilisaient en 2004, elles sont 32% en 2011. Les entreprises pratiquant l’annualisation du temps de travail sont passées dans la même période de 4% à 7%.
Les « zero hour contracts », contrats qui ne garantissent pas au salarié un nombre fixe d’heures travaillées et qui ne rémunèrent que les heures réellement travaillées se sont également accrus. Le pourcentage d’entreprises utilisant ce contrat augmente en moyenne de 4 à 8%. Pour les entreprises de plus de 100 salariés, le pourcentage s’accroît de 0% en 2004 à 23% en 2011.
Par ailleurs, 16 % des employeurs ont réduit le recours aux intérimaires ou temporaires et seulement 3% ont augmenté ce type de recrutement.
Une fonction ressources humaines technique et non stratégique
Le rôle des responsables RH s’est-il modifié ? La crise aurait pu constituer une opportunité pour la fonction RH fortement sollicitée, or d’après le rapport du ministère du travail, il n’en est rien, l’éventail de leur tâches est resté le même et leur importance stratégique ne s’est pas renforcée. Seules tendances relevées, une féminisation continue de la profession et une amélioration des qualifications, tendances à l’œuvre avant la crise et qui se sont poursuivies.
La représentation des salariés s’érode
La tendance à la diminution de la présence syndicale dans les petites entreprises s’est poursuivie pendant la crise. Par contre, dans les entreprises moyennes ou grandes, la présence syndicale n’a pas diminué. Globalement, la lente érosion se poursuit.
Le pourcentage de managers hostile à une présence syndicale est resté stable entre 2004 et 2011 à 17%, cependant le pourcentage de managers qui préféreraient discuter directement avec le personnel plutôt qu’avec les syndicats est passé de 76 à 80%.
Les organes de consultation JCC (Joint Consulting Comitees), n’ont pas significativement évolué à la maille des sites ou établissements mais leur nombre a diminué à la maille des entreprises (comité central d’entreprise). Le pourcentage d’établissements ou d’entreprises sans organes collectifs de représentation est passé de 64% en 2004 à 75% en 2011. Le pourcentage d’entreprises disposant d’un comité d’entreprise européen a chuté de 21 à 18%.
Il existe en Grande Bretagne une autre forme de représentation du personnel. Certaines entreprises ont un représentant des salariés non syndiqué « a stand-alone non-union representative ». On constate, toutes formes de représentation confondues, que le pourcentage d’établissements ou d’entreprises possédant une forme de représentation des salariés a diminué de 45 % en 2004 à 35% en 2011.
Un climat social interne stable mais davantage de grèves
La qualité des relations entre managers et managés est restée très stable ces dernières années. La crise ne semble pas avoir sensiblement modifié les relations hiérarchiques, on constate même une très légère amélioration, éprouvée tant par les managers que par les managés.
Qu’en est-il des grèves, autre manifestation du climat social ? 2011 a enregistré 1 390 000 jours non travaillés en 2011 pour 905 000 en 2004. Cette augmentation de 53% est due essentiellement au secteur public, le plus impacté par la crise.
La cure d’austérité dans le public devrait se poursuivre. Le gouvernement prévoit de diminuer au cours des cinq prochaines années 700 000 emplois de fonctionnaires. Son pari : que le secteur privé crée des emplois de remplacement. Au cours de l’année 2012, 270 000 postes de fonctionnaires ont été supprimés alors que le secteur privé embauchait 226 000 personnes de plus que l’année précédente. Cependant le chômage britannique est à son plus haut niveau depuis 17 ans et la croissance ne semble pas reprendre. La crise qui dure pourrait continuer d’abîmer le travail.
Pour en savoir plus
Rapport Workplace Employment relations Study
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