Emploi : comment gagner « la Troisième Guerre mondiale »
publié le 2013-03-22

Ce n’est pas lui qui souscrirait à la célèbre formule des années quatre vingt-dix : « le travail, une valeur en voie de disparition ». S’affirmant gaulliste social, proche de François Fillon, Jérôme Chartier veut au contraire le réhabiliter et il déplore qu’il soit aujourd’hui systématiquement associé à l’idée de souffrance. Tout en considérant le travail non comme une valeur mais comme « une notion neutre du point de vue axiologique », il le considère comme un facteur d’éducation, de socialisation, de définition de l’identité personnelle, d’autonomie… C’est « l’activité par excellence, qui détermine une grande part du devenir de l’homme comme du devenir d’une nation. »
Après avoir mis en avant cette conviction, il entonne des exhortations guerrières. Il s’agit « de livrer et de remporter la Troisième Guerre mondiale, celle de l’emploi »; et aussi de « ne pas sortir du champ de bataille » de la mondialisation en s’isolant mais de décréter « la mobilisation générale pour la croissance et l’emploi ». Et c’est l’Etat qui doit prendre la tête des troupes. Un « Etat fort (…) seul à même de résoudre les contradictions qui peuvent naître entre liberté et capitalisme, entre démocratie et marché. »
Un certain nombre de suggestions avancées par l’auteur pour mener le combat ne paraissent pas complètement neuves : investir massivement dans la recherche et les filières porteuses d’avenir, favoriser le regroupement d’entreprises à l’échelle d’un territoire pour créer des « champions français », mener une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences filière par filière …
Constatant le blocage de l’ascenseur social, Jérôme Chartier affirme qu’il faut « rendre à la société française sa fluidité et son dynamisme » en réactivant la méritocratie qui permet à chacun de croire que ses efforts seront récompensés. « Car comment convaincre un jeune de Sarcelles de respecter un modèle social qui ne lui offre d’autre horizon que celui d’agent de sécurité sur la plate-forme aéroportuaire voisine de Charles-de-Gaulle? »
En tout cas, parmi les assauts urgents à mener figure celui qui fera sauter le barrage entre formation et premier emploi. Avec, comme instrument, la systématisation de l’alternance et de l’apprentissage, pour les filières professionnelles comme pour les filières générales.
En ce qui concerne le dialogue social, « il faut tout changer ». C’est-à-dire renoncer aux « Grenelle », au sommets spectaculaires et renforcer l’autonomie contractuelle des partenaires sociaux. Le temps de travail et le salaire minimum seraient ainsi négociés par entreprise ou par branche, la loi se bornant, comme le précise la Constitution, à poser « les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la Sécurité sociale. »
« Flexicurité » à la française
L’auteur plaide aussi pour la création d’un « contrat de longue durée », qui remplacerait toutes les autres formes de contrat de travail. Un contrat « à objet déterminé » (s’inspirant notamment du contrat de chantier) pouvant être rompu d’un commun accord entre les deux parties, le salarié accumulant des droits à mesure que croît son ancienneté.
On se dit que ce salarié courrait ainsi pas mal de risques. Réponse, bien dans l’air du temps : la « flexicurité » à la française. Celle-ci reposant sur un « triangle d’or » : flexibilité du marché du travail, système généreux de protection sociale et d’indemnisation, politique « d’activation » des demandeurs d’emploi avec un rôle central joué par l’éducation et la formation. La portabilité des droits, notamment à la protection sociale et au chômage, faciliterait la mobilité externe. Un compte universel des droits sociaux pourrait accompagner les individus de l’école à la retraite.
L’accord patronat-syndicats du 11 janvier dernier a-t-il réjoui Jérôme Chartier? Pas vraiment. Pour lui, il relève du « service minimum ». Il estime qu’on est encore loin de la flexicurité qu’il appelle de ses voeux.
Eloge du travail, de Jérôme Chartier – Grasset
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