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Née en France, Evelyne Gebhardt est eurodéputée et membre du groupe Socialistes et Démocrates (S&D, SPD). Elle a été élue au Parlement Européen en 1994, par la population du Baden-Württemberg. Elle y a joué le rôle de rapporteure sur le projet de directive services connu en France sous le nom de « directive Bolkestein ». Aujourd’hui elle est coordinatrice à la commission du marché intérieur et du droit des consommateurs. Elle s’exprime pour Metis sur le dumping social, les débats communautaires autour du détachement des travailleurs, sans oublier la nécessaire instauration d’un salaire minimum en Allemagne.

 

evelynegebhardt

Quelle est votre évaluation des pratiques de dumping social en Europe ?

 

Je constate une exacerbation des pratiques de dumping social en Europe avec la montée du chômage dans les Etats membres. Elles touchent de nombreux secteurs et de nombreux Etats : je pense par exemple aux pratiques dénoncées par la Belgique dans le domaine de la viande, à celles survenues dans le domaine de la construction sur une centrale nucléaire en France ou encore à celles utilisées par Amazon au Royaume-Uni et dans d’autres pays.

 

Pensez-vous que les règles communautaires en place sont suffisantes ?

 

Selon moi, il est temps que l’Europe apporte des solutions aux problèmes du dumping social au lieu de se contenter d’en discuter, ce qu’elle fait depuis des années déjà. Le Parlement européen a récemment débattu du projet de directive d’interprétation de la directive détachement des travailleurs. Et les conclusions de ce débat sont à mon avis très décevantes. La majorité a même rejeté certaines des propositions de la Commission. D’ailleurs, pour ma part, plutôt que de donner une nouvelle interprétation de la Directive, j’aurais préféré que le texte même de la directive soit largement révisé. Cela aurait permis de donner naissance à un nouveau droit des travailleurs détachés qui corrigerait les défaillances déjà constatées par la Cour de Justice de l’Union Européenne en matière de droit du travail et de sécurité sociale de ces travailleurs.

Où en est la notion de principe du pays d’accueil et de pays d’origine dans les textes communautaires aujourd’hui en débat ? Qu’en est-il de l’avenir de la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne ?

 

S’agissant du principe du pays d’origine qui avait été âprement débattu du temps du commissaire Bolkestein, il est aujourd’hui totalement écarté même si certains y font encore référence. De manière plus générale, je considère qu’il ne peut y avoir d’Europe sans une libre circulation des personnes et des services. Mais si ces libertés sont une bonne chose pour l’Union européenne, elles nécessitent d’être encadrées. Or ce qui pose problème aujourd’hui c’est l’insuffisance des contrôles qui ne permettent pas de protéger les travailleurs économiquement dépendants. Malheureusement, cette position n’est pas partagée par les conservateurs libéraux au Parlement européens qui, au contraire, tentent de fermer toute possibilité de contrôle.

 

Pensez-vous qu’il serait opportun de mettre en place un corps européen de contrôle sur le modèle de ce qui existe en matière de police ?

 

La mise en place d’un corps de contrôle européen du travail détaché me paraît être une hypothèse envisageable. Toutefois, aujourd’hui il n’existe aucune majorité prête à une telle création, que ce soit au Parlement, à la Commission ou au Conseil. Dans l’immédiat ce sont les documents servant de fondement au contrôle qui posent question car, contrairement à ce qu’affirment certains libéraux conservateurs, l’actuel formulaire A1 (1) ne permet pas d’effectuer un contrôle approfondi des conditions de travail et de la protection sociale des travailleurs détachés. A cet égard, la question de la langue de ces documents doit être posée. D’autre part, il conviendrait de désigner une personne référente sur chaque chantier à laquelle le contrôleur pourrait s’adresser lors de son contrôle.


Quelle est votre opinion sur le principe d’instauration d’un salaire minimum en Allemagne ?

 

Je suis personnellement favorable à l’instauration d’un salaire minimum en Allemagne comme l’est à la fois mon parti le SPD et les syndicats. Nous avons recommandé l’adoption d’un salaire horaire minimum de 8,50€. Avec la CDU, nous n’avons aucun terrain d’entente sur ce sujet. Et si jusqu’ici nous avons manqué d’une majorité au Bundestag pour faire adopter le principe d’un salaire minimum, je pense que cela pourrait changer prochainement grâce à une alliance avec les Verts qui soutiennent également cette démarche.

 

(1) Certificat remis au travailleur détaché attestant de la législation de sécurité sociale qui lui est applicable, sachant que dans la plupart des cas cela lui permet de rester affilié à la législation de son Etat d’origine

 

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