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Longtemps, le plaisir sensuel ou sexuel tarifé a été assimilé à une activité non couverte par le contrat de travail et souvent à une activité illicite, même si de nombreuses cultures de par le monde ne l’ont pas toujours entendu de cette oreille. Depuis quelques années le débat refait surface dans de nombreux pays et concerne deux activités controversées : la prostitution avec la notion de travailleurs du sexe, l’accompagnement sensuel, érotique ou sexuel chez les adultes en situation de handicap. De qui parle-t-on ?  

 

Droit à la sexualité contre marchandisation effrénée des rapports sexuels, liberté individuelle contre refus d’une traite infamante des êtres humains, travail contre prostitution : les solutions choisies sont souvent radicalement opposées selon les pays.  

 

L’assistance sexuelle

La perception de la personne « handicapée » comme sujet – de droit, de sa parole, de ses actes, mais aussi sujet de désir – est très récente. En Occident, elle émerge aux Etats-Unis avec les mouvements des Droits de l’Homme de la fin des années 1960. Avec l’apparition du métier d’accompagnement à la vie affective et sexuelle il s’agit de fournir une forme d’accompagnement spécifique qui consiste à raviver le plaisir sensuel, érotique ou sexuel chez les adultes en situation de handicap qui en font la demande. Sur le plan légal, cette activité est souvent assimilée à de la prostitution alors que ses promoteurs en jugent autrement.  

 

La demande vient plus des hommes que des femmes mais hommes et femmes n’attendent pas la même chose, les premiers seraient plus demandeurs de sexe alors que les secondes seraient plus en attente de sensualité. Dès les années 1980, des personnes ont été formées aux Etats-Unis et dans le Nord de l’Europe, où ce type de métier naît aux Pays-Bas en 1980 avant de gagner ensuite l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Italie et la Suisse : dans ce pays ce service est rémunéré entre 100 et 150 euros, quelle que soit la nature de la prestation fournie. Les assistants sexuels sont sélectionnés et reçoivent obligatoirement une formation.  

 

En France, l’assistance sexuelle est aujourd’hui sur le plan légal assimilée à la prostitution. Un membre du personnel médical qui organiserait une rencontre sexuelle pour un résidant en institution ou un patient à domicile risquerait d’être accusé de proxénétisme. Un véritable engagement en faveur de l’accompagnement sexuel a cependant émergé à partir de 2007, au travers de plusieurs colloques sur les questions du handicap et de la sexualité. Le gouvernement Fillon a même missionné un député pour réfléchir à « l’évolution des mentalités et le changement du regard de la société sur les personnes handicapées ». Celui-ci avait rendu un rapport favorable à la légalisation des assistants sexuels. Mais le dit gouvernement n’a pas voulu franchir le pas et Roselyne Bachelot, ministre de la solidarité et de la cohésion sociale, s’est déclarée « rigoureusement opposée » à de telles évolutions. Le débat ne semble pas clos pour autant. Car depuis 2010 les « services sexuels » font débat dans de nombreux pays. Des prises de position ont relancé le débat sur l’accompagnement sexuel des personnes dépendantes. Au droit à la sexualité pour tous s’oppose un refus de la marchandisation des rapports sexuels et de la légalisation d’une forme de prostitution.

 

Travail du sexe

Forgée pour la première fois en 1980 par Carol Leigh, ex-prostituée militante et artiste performeuse américaine, l’expression « travailleurs du sexe » (de l’anglais Sex Workers) s’est depuis largement propagée, y compris dans des publications universitaires; elle est utilisée entre autres par les ONG et les syndicats professionnels, mais aussi par les agences gouvernementales et intergouvernementales, telles l’Organisation Mondiale de la Santé. Depuis, travailleur (-se) du sexe est un terme générique utilisé à l’échelle internationale pour désigner les métiers ou pratiques qui mettent en scène une performance sexuelle qui, dans la majorité des cas, est une prestation de service en échange d’une compensation monétaire. Ce terme couvre les notions classiques de prostitué(e), mais s’étend à divers métiers : ceux des métiers du cinéma où actrices et acteurs de films pornographiques se considèrent comme « travailleurs (-ses) du sexe » vendant un service et non pas leur corps, ceux des média avec les modèles posant pour les magazines ou les sites internet spécialisés dans le nu, ceux des loisirs avec les danseurs et danseuses pratiquant le strip-tease : la liste est ici loin d’être exhaustive.  

 

Selon les pays, l’activité des sex workers peut être régulée, contrôlée, tolérée ou prohibée. Trois approches ont été expérimentées un peu partout dans le monde : la prohibition, l’abolitionnisme ou la voie réglementaire. Dans certains pays comme les États-Unis, des efforts ont été faits pour donner plus de reconnaissance et de droits aux travailleurs du sexe. En Europe, plusieurs pays ont adopté une approche » réglementariste »: c’est le cas de l’Allemagne, de l’Autriche ou des Pays-Bas, qui optent depuis de nombreuses années pour un encadrement juridico-sanitaire de l’ensemble des professions de l’industrie du sexe, incluant les activités dites de prostitution.  

 

Utilisée par les partisans de la reconnaissance des prostitué(e)s masculins ou féminins en tant que travailleurs reconnus comme tel, ayant notamment les mêmes droits et les mêmes garanties sociales, cette notion est cependant aussi très critiquée. C’est ainsi le cas notamment en France, par les personnes moralement opposées à l’industrie du sexe et surtout à la prostitution. Politiciens souvent issus de partis conservateurs, militants issus de mouvements féministes anti-prostitution, ou encore tenants d’un discours résolument abolitionniste de la prostitution, ils voient le « travail du sexe » comme une légitimation de l’activité prostitutionnelle. Le débat actuel autour du projet de loi sur la pénalisation de la prostitution présenté par la ministre française des droits des femmes (et inspiré du modèle suédois) l’illustre abondamment.

 

 

STRASS

  A noter enfin que dans plusieurs pays, européens ou non européens, les travailleurs du sexe se sont organisés, y compris sous forme syndicale. Si en France le STRASS, syndicat du travail sexuel n’est pas affilié à une confédération, ce n’est pas le cas de son homologue britannique, l’International Union of Sex Workers (IUSW) créé en 2000 et affilié depuis 2002 à GMB, un des plus gros syndicats membres du TUC.  

 

Alors travail ou activité ? Au regard du droit du travail de nombreux pays qui considère le contrat comme un triangle associant prestation, rémunération et subordination, il n’y aurait pas de raison d’exclure l’assistance ou le travail sexuel. Et quand bien même la subordination serait absente, la notion de travail indépendant ou autonome pourrait être invoquée. Alors que selon les estimations internationales, entre 40 et 42 millions de personnes se prostituent dans le monde – dont un à deux millions en Europe occidentale – et 90 % d’entre elles dépendent d’un proxénète, le débat n’est évidemment pas qu’un débat juridique, il est aussi politique, culturel, moral ou…économique ! Metis reviendra dans un prochain article sur plusieurs de ces aspects…

 

 

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