par André van Deijk
Aux Pays Bas, le système de relations sociales dissocie les rôles respectifs des syndicats et des comités d’entreprise. Contrairement à une pratique répandue dans bien des pays européens, le lien qui les relie n’est pas un lien fort : la plupart comités d’entreprise comprennent des membres syndiqués, mais le plus souvent, ils ne sont pas majoritaires. Plus important, syndicats et instances de représentation du personnel reconnaissent et respectent leurs rôles et leurs différences mutuels
Différence essentielle, la loi confie aux syndicats la responsabilité de tout ce qui relève des conditions de travail, celles-ci sont dans la plupart des cas déterminées par des accords collectifs qui s’appliquent soit aux salariés d’une entreprise soit à un secteur d’activité. Ces accords concernent les syndiqués comme les non syndiqués car le ministre des affaires sociales a la possibilité d’étendre l’accord à tous. Les syndicats sont également les partenaires privilégiés pour négocier les plans sociaux faisant suite aux restructurations. De fait, ces plans sociaux ont quasiment un statut juridique équivalent à celui des accords collectifs.
Domaines de compétence des comités d’entreprise
Les comités d’entreprise ne représentent que les salariés travaillant dans l’entreprise. Leur champ d’intervention ne couvre que les questions spécifiques à l’entreprise. Les domaines en question sont définis par les articles 25 et 27 de la loi sur les comités d’entreprise. Quand les sujets relevant de l’article 27 (essentiellement relatifs à la gestion des ressources humaines) sont déjà couverts par un accord collectif, c’est l’accord qui prévaut.
L’article 25 de la loi traite des décisions managériales qui ont potentiellement un impact important sur l’entreprise et donc sur ses salariés. Typiquement, les restructurations, le financement et les emprunts, les gros investissements, les questions relatives aux fusions et acquisitions. Le comité d’entreprise doit donner un avis à la direction avant qu’elle ne prenne sa décision finale. Au cas où la direction ne respecte pas les exigences de la loi en matière de « demande d’avis » ou les procédures de consultation associées, ou encore si la décision finale de la direction ne suit pas l’avis de l’instance, cette dernière peut faire appel à la justice.
L’article 27 concerne les questions et politiques relatives aux ressources humaines : régime de retraite, système d’évaluation des emplois, système d’évaluation du personnel etc… Sur ces questions, l’accord du comité d’entreprise est requis. Si le management ne tient pas compte de son verdict, le comité d’entreprise peut aller en justice.
Rôle de l’expert
L’expert intervient sur tout ce qui touche à l’application de ces deux articles de loi et de la loi en général, de même que sur les conflits qui peuvent advenir. Il faut souligner que les syndicats fonctionnent également en tant qu’experts, essentiellement pour leurs adhérents. Ils interviennent comme experts des instances de représentation lorsqu’ils y ont une représentation substantielle. Dans la majorité des cas, les experts appartiennent à des entreprises commerciales.
L’expert qui travaille pour un comité d’entreprise détient les compétences requises en gestion, organisation, stratégie …, correspondant aux domaines précisés par l’article 25. Les experts qui traitent des questions de l’article 27 sont armés sur les grands thèmes et stratégies RH. Etant donné le contexte légal et judiciaire qui encadre les comités d’entreprise, on voit souvent des juristes travailler pour ces instances.
Bien que ces champs d’expertise soient assez complexes, la plupart des experts sont des généralistes qui en savent peu sur beaucoup de choses et qui combinent leurs connaissances générales avec une expertise pointue sur le champ de l’article 25 ou celui de l’article 27.
Les représentants du personnel demandent à leurs experts de les aider, non seulement sur le fond de la décision qui leur est proposée mais également sur la procédure associée à la demande d’avis ou d’accord. L’expert doit donc avoir des connaissances sur les contenus et une connaissance intime de la procédure et de ses aspects juridiques. L’expert doit également être capable de créativité pour gérer les incidents qui peuvent survenir.
Quand il s’agit du fond, la loi exige que la demande d’avis ou de consentement définisse précisément les mesures que la direction propose, pourquoi elle les propose, quelles en sont les conséquences pour les travailleurs et quelles mesures sociales prennent en compte ces conséquences. L’expert doit donc avant tout déterminer si les raisons invoquées par la direction sont justifiées, si ses analyses sont justes et si les conclusions qui en sont tirées sont appropriées. L’expert doit valider le fait que la solution proposée est la meilleure pour l’entreprise, ses propriétaires et le personnel, qu’il s’agit d’une solution équilibrée et que les mesures sociales proposées répondent correctement aux conséquences sociales.
Dans bien des cas, les négociations avec les syndicats n’ont pas encore abouti lorsque l’instance de représentation du personnel est consultée, ce qui suppose que l’expert se rapproche des syndicats et retarde l’avis afin de leur permettre d’avancer dans leurs négociations. Etant donnée la complexité croissante des organisations, notamment due à l’internationalisation et au développement des réseaux sociaux, l’expert est souvent entouré d’une équipe de collègues à laquelle il peut faire appel.
S’agissant de la procédure, l’expert aide le comité d’entreprise à déterminer et tenir une position. Souvent, du fait de l’internationalisation de l’entreprise, le management réellement responsable réside dans un pays lointain et le management local fait pression sur les représentants du personnel pour qu’ils prennent une décision rapide. Les syndicats font pression sur leurs représentants pour qu’ils prennent une décision conforme à leurs politiques et objectifs. Les membres du Comité doivent résister aux intérêts de court terme des uns ou des autres car la loi exige qu’ils tiennent compte de ce qui est bon pour l’entreprise.
Le comité d’entreprise est constitué de membres qui sont égaux entre eux et prendre une décision qui heurte une partie de ses membres n’est pas chose facile. A cet égard, l’expert intervient comme un « sparring partner ».
En bref, la fonction de l’expert est celle d’un professionnel qui aide un client ( le comité d’entreprise) à valider les décisions proposées par la direction par une analyse des données, de la stratégie etc… et de gérer le processus interne au comité comme externe à celui-ci, du fait de la pression exercée par d’autres parties prenantes. Du fait des deux voies qui régissent le système de relations sociales, et de l’influence relative des syndicats dans les comités d’entreprise, les experts sont le plus souvent indépendants des syndicats.
Quelques statistiques :
Environ 12 000 entreprises sont concernées par la loi sur les comités d’entreprise, elles peuvent en avoir plusieurs.
On estime que la moitié des comités d’entreprise néerlandais fait appel à l’expertise.
André van Deijk est Senior consultant chez GITP et membre du comité de direction de consultingeuropa
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