La Food Coop existe depuis 1973. C’est un supermarché dans le quartier de Park Slope au centre de Brooklyn à New York. On y trouve des produits frais et de qualité, bio pour la plupart, et moins chers que partout ailleurs. Le secret ? Ce sont les clients, pardon, les membres, les coopérateurs, qui réalisent la majeure partie du travail. Ils tiennent les caisses, approvisionnent les rayons, rangent les entrepôts, font le ménage en fin de journée, approvisionnent les soupes populaires avec les produits en limite de date de péremption et le bac à compost avec ceux qui ne sont plus consommables, animent la garderie pour les enfants qui accompagnent leurs parents au magasin.
Un des fondateurs explique son intuition initiale. Demander aux gens ce « qu’ils ont de plus précieux sur terre, un peu de leur temps », a deux avantages. Cela permet de réduire le prix de vente et cela les rend acteurs, parties-prenantes, de l’aventure que constitue ce magasin coopératif. Ils ne font pas seulement partie des instances d’orientation, de direction ou de gestion. Ils participent, « prennent part », à l’activité. Leur lien avec la coopérative en est transformé. Concrètement chaque membre s’engage à effectuer 2h45 de travail par mois, à décider avec ceux qui gèrent le planning des besoins et des présences. L’équipe salariée, réduite au minimum s’occupe des achats et de l’administration de la coopérative. Elle bénéficie d’avantages sociaux rares aux États-Unis, en particulier d’une bonne retraite.
Le film ne cache rien des difficultés qui tiennent à « l’art de s’associer ». Il faut de la bienveillance certainement. Il faut aussi des règles et qu’elles soient appliquées. Elles sont l’objet de discussions longues et difficiles. La suppression des sacs plastics est le sujet actuel. Faut-il les supprimer radicalement, les faire payer (et dans ce cas les bons de l’aide alimentaire ne pourront pas les prendre en charge), mener une campagne de communication sur leur nocivité ? Les points de vue ne se sont pas encore accordés. La question du rattrapage en cas d’absence – il n’est pas toujours évident d’être là à 6h du matin pour approvisionner les rayons… – revient en permanence. Si les absences se répètent, si on n’a pas prévenu, ou prévenu trop tard, il faudra travailler 2 fois 2h45 le mois suivant… En cas de vol, et si ce n’est pas la première fois, la commission de discipline intervient et peut exclure le coopérateur indélicat. Un des responsables explique qu’il est préférable d’exclure ceux qui ne respectent pas les règles plutôt que ceux qui n’ont pas les moyens financiers de payer. La démocratie, cet « art de s’associer », mérite qu’on y passe le temps nécessaire. Sans surcoût pour celui qui achète, puisque ce sont des membres qui font bénévolement ce travail.
La diversité des adeptes de la Park Slope Food Coop est surprenante. A Brooklyn, on s’attend à ce qu’elle soit fréquentée par une clientèle aisée de « bobos », qu’elle soit un signe de la gentrification de ce Borough de NYC. Ses animateurs nous expliquent à l’inverse que ce magasin participe au maintien de la diversité sociale et ethnique dans le quartier. Les prix sont vraiment moins chers. Un couple explique faire au moins 250$ d’économies chaque mois et que c’est une somme qui compte pour eux. La Food Coop s’est liée avec les services sociaux, bons alimentaires et soupes populaires. Le magasin est très fréquenté, on s’y bouscule. Il y a 17 000 membres, chacun peut inviter un visiteur. Depuis la création en 1973, la coopérative a accordé plus de 66 000 cartes !
Le rayon « fromage » est certainement un des mieux achalandés des États-Unis ! Il n’a pas été facile de recruter son responsable, les candidats étaient tous Vegan (végétaliens), pas question pour eux de vendre des produits laitiers ! Il s’attache à promouvoir des fromages locaux, de petits producteurs. Il est très fier d’avoir convaincu ces purs New-Yorkais qu’il est possible de manger du fromage comme un aliment particulier, pour lui-même et non pas comme un ingrédient du cheeseburger et de la pizza ou un condiment pour le plat de pâtes. Etre coopérateur de la Food Coop, c’est aussi bien manger !
Dernière chose. Tom Boothe, réalisateur du film, américain vivant à Paris, ouvre prochainement à Paris dans le 18e arrondissement « la Louve », une coopérative inspirée de la Park Slope Food Coop. On lui souhaite un succès comparable !
Pour en savoir plus :
– Food Coop, Film documentaire de Thomas Boothe et Maellanne Bonnicel, 2016
– Campagne de crowdfounding pour la food coop parisienne : « La louve »
– Plus d’infos sur La louve
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