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Une nouvelle agence européenne pour ma mobilité des travailleurs ? Qu’est-ce donc ? Dans la foulée de l’adoption de la directive sur les travailleurs détachés à l’automne dernier et des débats animés qu’elle a suscités, la Commission a pris l’initiative le 13 mars dernier de proposer, dans le cadre du « paquet justice sociale », la création d’une nouvelle institution, l’Autorité européenne du travail (European Labour Authority, ELA), afin de remédier aux difficultés rencontrées dans la mise en pratique des règles de l’Union européenne (UE) concernant la mobilité des travailleurs, notamment sur les questions de l’emploi et de la protection sociale.

 

ouvrier btp travailleur détaché

 

Ses objectifs sont les suivants :
– Faciliter l’accès des individus et des employeurs à l’information sur leurs droits et obligations ainsi qu’aux services pertinents.
– Soutenir la coopération entre les pays de l’UE dans l’application transfrontalière de la législation pertinente de l’UE, y compris en facilitant les inspections conjointes.
– Mettre en œuvre la médiation et faciliter la recherche de solutions en cas de litiges transfrontaliers entre les autorités nationales ou en cas de dysfonctionnement du marché du travail.

 

Il s’agirait pour cette Agence de garantir que les règles de l’UE sont appliquées de manière juste, effective et efficace, et en particulier d’assurer le respect des droits des travailleurs en situation de mobilité et d’éliminer les fraudes et abus dont ils sont parfois victimes notamment de la part d’entreprises ignorantes ou irrespectueuses de leurs obligations. Bien entendu, en conformité avec le principe de subsidiarité, l’ELA ne doit pas se substituer aux pays membres, mais bien plutôt soutenir leurs initiatives dans ces domaines, faciliter l’accès à l’information, favoriser la coopération entre les autorités nationales, coordonner à la demande des pays membres des actions concertées d’inspections transfrontalières, contribuer au développement des capacités des institutions nationales compétentes, et conduire des études transnationales et des analyses de risques relatives à la mobilité transfrontalière. Dans le cas de vastes restructurations d’entreprises avec des conséquences diverses sur les marchés du travail, l’ELA pourrait aussi faciliter la coopération entre l’ensemble des parties prenantes.

 

Ce faisant, l’ELA absorberait un certain nombre d’institutions existantes (à l’efficacité incertaine) à savoir la plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré, le comité d’experts sur le détachement, le comité technique sur la mobilité des travailleurs, le bureau de coordination du réseau EURES (coopération entre les services nationaux de l’emploi en vue de faciliter la mobilité des travailleurs) ainsi que les conseils de conciliation et d’audit et la commission technique sur la coordination de la sécurité sociale. En même temps, elle devrait travailler avec la commission administrative et le comité consultatif sur la coordination de la sécurité sociale (Administrative Commission and Advisory Committee on the Coordination of Social Security Systems), ainsi qu’avec le comité consultatif concernant la mobilité des travailleurs (Advisory Committee on the Free Movement of Workers). On sait l’importance des questions de charges sociales dans la problématique des « travailleurs détachés ».

 

Dotée d’un budget de 51 millions d’euros, l’ELA devrait disposer d’environ 140 agents, parmi lesquels figureraient des délégués nationaux, chargés d’assurer la liaison avec les autorités nationales compétentes (National Liaison Officers). Elle serait placée sous l’autorité d’un conseil de direction (Management board) composé d’un représentant de chaque pays et de deux représentants de la Commission, et bénéficierait également d’un groupe dédié de parties prenantes (Stakeholder group).

 

Le calendrier est serré, car la Commission entend que la décision soit prise avant la fin de la législation, et que l’ELA commence ses travaux dès 2019 avant d’être complètement opérationnelle en 2023. Dans cette période de transition, un groupe consultatif doit être mis en place auprès de la Commission afin de faciliter la mise en œuvre et la montée en charge de l’Agence. Le processus de décision a commencé avec la présentation de la proposition par la Commission devant le Conseil 23 avril puis le 23 mai. Parallèlement le Parlement européen a ouvert le débat le 24 mai lors d’une réunion extraordinaire du comité emploi, après avoir nommé comme rapporteur Jeroen Lenaers (Pays-Bas).

 

A l’évidence, la proposition de la Commission est ambitieuse. Déjà on compte au sein de l’UE 17 millions de travailleurs transfrontaliers, et ce nombre est appelé à croître compte tenu de la persistance des différentiels de revenus et de taux de chômage entre les pays. Dans le maquis des réglementations nationales et des différences abyssales entre les systèmes de rémunération et de sécurité sociale, l’ELA constituerait un maillon important d’une Europe sociale en devenir. Dès lors on imagine assez bien les résistances que ce projet devrait susciter de la part des libéraux de l’Europe du Nord, partisans d’une Europe minimale, ainsi que des illibéraux de l’Europe de l’Est, soucieux de recevoir les subventions européennes sans contrepartie menaçant leur souveraineté.

 

Puisse le sursaut européen nécessaire après les provocations et les agressions de Trump donner de l’élan à l’ELA.

 

 

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Ingénieur École Centrale promotion 1968. DEA de statistiques en 1969 et de sociologie en 1978. Une première carrière dans le secteur privé jusqu’en 1981, études urbaines au sein de l’Atelier parisien d’urbanisme, modèles d’optimisation production/vente dans la pétrochimie, études marketing, recherche DGRST sur le tourisme social en 1980.

Une deuxième carrière au sein de l’éducation nationale jusqu’en 1994 avec diverses missions sur l’enseignement technique et la formation professionnelle ; participation active à la création des baccalauréats professionnels ; chargé de mission au sein de la mission interministérielle pour l’Europe centrale et orientale (MICECO).

Une troisième carrière au sein de la Fondation européenne pour la formation à Turin ; responsable de dossiers concernant l’adhésion des nouveaux pays membres de l’Union européenne puis de la coopération avec les pays des Balkans et ceux du pourtour méditerranéen.

Diverses missions depuis 2010 sur les politiques de formation professionnelle au Laos et dans les pays du Maghreb dans le contexte des programmes d’aide de l’Union européenne, de l’UNESCO et de l’Agence Française de Développement.

Un livre Voyages dans les Balkans en 2009.

Cyclotourisme en forêt d’Othe et en montagne ; clarinette classique et jazz ; organisateur de fêtes musicales.