5 minutes de lecture

Cai Chongguo porte la parole des travailleurs chinois

publié le 2007-01-01

/Des images clandestines d’une manifestation d’habitants de Wuhan contre un projet d’expropriation, un coup de gueule contre un avocat français relatant, dans le cadre d’une table ronde, l’absence de culture sociale chez les Chinois ou, encore, quelques réflexions sur les tribulations de Ségolène Royal sur la grande muraille… Le blog de Cai Chongguo http://www.caichongguo.blog.lemonde.fr/ n’est pas seulement une fenêtre sur la Chine, c’est aussi le regard d’un exilé sur la France, son pays d’adoption. Dans ce journal, il confie sa nostalgie autant que son bonheur de vivre dans le pays de Voltaire : « Comme beaucoup de Français, vous êtes habitués à vivre en liberté… Vous ne comprenez pas la douleur des Hommes qui aiment réfléchir, s’exprimer mais qui vivent dans un pays sans liberté ».

Cela fait 18 ans que Cai Chongguo a fui la Chine, après la répression des manifestations de Tian’anmen en 1989. Professeur de philosophie, passionné par l’histoire de révolution française et par le siècle des Lumières, il avait commis plusieurs ouvrages sur la démocratie, ce qui lui avait déjà valu d’être considéré comme un ennemi du régime. Mais il faut remonter aux années de la révolution culturelle pour trouver les sources de sa dissidence. Ces quatre années durant lesquelles Cai Chongguo a travaillé dans une ferme, puis dans une usine, ont été déterminantes : « J’ai vu tellement de tragédies personnelles et familiales. Ce sont les années les plus importantes de ma vie. Le paysan chez qui je travaillais a été mon premier professeur ». Dans son journal, le jeune homme consigne ces observations, ces réflexions : « on nous parlait de la supériorité socialiste. Je découvrais la pauvreté, les mensonges, le poids de la bureaucratie, la peur des paysans et des ouvriers ».

Pourtant, il serait faux de réduire cette période à seule une relation de domination. « Le régime de Mao garantissait l’emploi à vie, offrait une sécurité sociale. L’éducation était gratuite. Aujourd’hui tout est démoli. En quinze ans, les coûts de l’éducation ont été multipliés par 25, la précarité ne cesse de se développer, tout comme la marchandisation des services publics… La société chinoise est aujourd’hui plus inégalitaire que la société américaine. 400 millions de personnes vivent avec moins de un dollar par jour. » La Chine s’est converti au libéralisme économique et au règne du marché mais sans se doter de structures démocratiques. Cai Chongguo défend aujourd’hui les droits des travailleurs à se syndiquer : « pourquoi et comment créer de la solidarité entre travailleurs et ne pas seulement compter sur la bonne volonté politique ». En 1996, il rencontre Hang DongFang, un ancien de Tian’anmen qui avait créé un syndicat libre, le Beijing Workers Autonomous Federation. Exilé aux Etats-Unis, cet ex-électricien a fondé le China labour bulletin qui a pour vocation de promouvoir les droits sociaux des travailleurs http://www.china-labour.org.hk/iso/

L’organisation, qui a reçu le soutien financier de nombreux syndicats (AFL_CIO, CGIL, CFDT, Solidarnosc…) compte une dizaine de permanents à travers le monde. Hang Dongfang s’est installé à Hong Kong, Cai Chongguo est devenu le correspondant du China labour bulletin pour l’Europe. Auteur du livre « Chine, l’envers de la puissance » aux éditions Mango (2005), il intervient régulièrement sur de nombreuses radios Radio free Asia, Radio France International, la BBC, Voice of America, pour témoigner entre autre de la mutation de la société chinoise et des nombreux changements sociaux à l’œuvre. En 2005, par exemple, 87 000 mouvements ou manifestations rassemblant plus de 100 personnes ont été recensés et il ne s’agissait là que de statistiques officielles. Reste à aider à organiser syndicalement et démocratiquement cette colère. Tel est le rôle du China labour bulletin.

Frédéric Rey

Print Friendly, PDF & Email
+ posts