par Thomas Schnee
Pour Jürgen Thumann, la seule bonne nouvelle de l’année 2006 aura été sa réélection sans problème à la tête de l’Union de l’Industrie allemande (BDI), l’une des deux grandes fédérations patronales allemandes. Le reste est moins présentable : l’une de ses entreprises a déposé son bilan, son candidat au poste de secrétaire général du BDI, un député conservateur proche d’Angela Merkel, a été écarté car trop proche du pouvoir. Enfin et, surtout, son grand projet de fusion avec l’Union fédérale des fédérations patronales allemandes (BDA), l’autre grand de la représentation patronale, a été largement freiné par quelques puissants membres du BDI, dont l’Union allemande de la machine outils (VDMA) qui a pris la tête de la résistance à ce rapprochement.
Mardi 23 janvier, à la veille de la première réunion du nouveau conseil commun (Praesidium) au BDI et au BDA, le service de presse du BDI, en mal d’informations, se bornait donc à déclarer que tout était encore à faire : « Il faut définir les champs d’intérêts communs et les possibilités de collaborations. La politique européenne pourrait être l’un des premiers domaines de rapprochement des deux fédérations ». En novembre dernier, la présentation du projet de fusion avant pourtant fière allure. « L’objectif de ce rapprochement est d’augmenter la force de frappe des deux organisations », déclaraient Jürgen Thumann et Dieter Hundt, président du BDA depuis 1996.
Pour cela, les deux organisations, qui logent déjà sous le même toit à la Maison de l’Economie allemande à Berlin, décidaient, non pas de fusionner leurs organisations, mais de créer un conseil commun, présidé depuis le 1 janvier par Dieter Hundt. Le BDI et le BDA parlaient alors d’unir leurs positions sur les questions de politique européenne, d’enseignement supérieur et de recherche, de protection du travail ou encore de cogestion. Par ailleurs, une « unité juridique » commune devait être créée à Bruxelles. Sur le plan sectoriel, les deux fédérations se répartiraient les domaines d’intervention : l’industrie pour le BDI, l’industrie, le commerce, la banque, l’assurance, l’artisanat et les services en général, pour le BDA.
Ces perspectives n’ont cependant pas eu l’heure de plaire à certaines grosses fédérations industrielles du BDI : « Nous voulons que le BDI reste clairement audible dans le domaine de la politique économique et sur les réformes structurelles», a rappelé Hannes Hesse, secrétaire général du VDMA, qui estime que le rapprochement des deux fédérations aboutirait dès facto à rogner les griffes du BDI et à le priver de son rôle actuel. En effet, jusqu’à présent, la répartition des rôles entre le BDI et la BDA était la suivante. Le BDA, qui réunit 54 fédérations sectorielles, est le représentant des intérêts sociaux des entreprises face aux syndicats et au gouvernement. Il est le porte-parole et négociateur des patrons lors des importantes « négociations tarifaires » de branche, élément central de la cogestion allemande. De ce fait, le BDA a toujours tenu à un discours plus conciliant à l’encontre des syndicats et de la politique gouvernementale.
Le BDI, en revanche, a une base d’adhérents essentiellement issue du monde industriel et fonctionne comme un pur lobby d’intérêt. En matière de politique économique et industrielle, il a souvent défendu avec agressivité une vision très libérale, en faveur de la mondialisation, du désengagement de l’Etat, de la flexibilisation de l’emploi et bien sûr, de la réforme de la cogestion allemande que les dirigeants du BDI ne cessent de critiquer. Il semble donc que de nombreuses fédérations professionnelles n’ont pas envie de se priver de cette représentation bipolaire qui permet de maintenir un double niveau de discours bien pratique. Ainsi, la fusion annoncée devrait se limiter à des prises de positions communes un peu plus fréquentes et à quelques opérations de synergies.
Thomas Schnee à Berlin
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