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par BUSINESSEUROPE[/fusion_title]

par Cyprien Chetaille

Ne parlez plus d’Unice, mais de BusinessEurope. La fédération patronale européenne a changé de nom mais garde comme président Ernest-Antoine Seillière réélu pour un nouveau mandat. Thérèse de Liedekerke, directrice des affaires sociales de BusinessEurope, nous livre sa vision sociale.

Thérèse de Liedekerke n’est pas venue au social en ligne droite. Son domaine de prédilection, à l’origine, ce sont plutôt les relations économiques internationales ; sujets qu’elle étudie à l’Université Libre de Bruxelles puis à la London School of Economics. Et lorsque la fédération du patronat européen, l’Unice, la recrute en 1990, elle entre au département « relations extérieures ». Mais l’heure est à la montée en puissance de l’Europe sociale, les partenaires sociaux planchent alors sur le protocole social qui sera intégré plus tard dans le traité de Maastricht. Il y a de la négociation dans l’air. Thérèse de Liedekerke est appelée au département des affaires sociales en 1993. La jeune Belge abandonne sans regrets les chiffres du commerce extérieur : « On sentait bien à l’époque que se construisait, pièce par pièce, un système social européen tout à fait neuf, plurinational et donc unique au monde , explique-t-elle. En outre, sur les dossiers sociaux, le lien avec la vie réelle des gens est bien plus immédiat qu’en matière de politique économique internationale ». La greffe prend. En 1996, à 32 ans, elle devient directeur de ce département.

Ma tâche consiste à fabriquer du consensus

Elle aura désormais une place de choix face aux syndicats, à la table des négociations, elle qui n’a jamais travaillé au sein d’une PME, ou d’un grand groupe multinational. « Je n’ai jamais prétendu et je ne prétendrai jamais, face à mes interlocuteurs, avoir une expérience directe du monde de l’entreprise, je ne serais pas crédible dans ce rôle, reconnaît-elle. Mais ce n’est pas un obstacle. Je compense par un réseau dense et soigneusement entretenu, je travaille les dossiers, j’apprends en permanence ». En outre, sous certains aspects, ce parcours initial qui emprunte à différentes expériences est un avantage. D’abord, les rudiments de diplomaties internationales ne sont pas inutiles. « Ma tâche consiste à fabriquer du consensus », précise-t-elle. Avec les syndicats, bien sûr. Mais aussi au sein de BusinessEurope qui regroupe 39 fédérations venant de 33 pays, de la Turquie à la Suède, en passant par l’Estonie et la Confédération Helvétique. En outre, le fait de n’être pas tombé dans le chaudron social dès l’enfance lui permet de mettre le sujet plus à distance. Sa feuille de route consiste à limiter les négociations paritaires au niveau européen. Pour les entreprises, le social est une affaire qui se règle au plus près du terrain, au niveau national ou, mieux encore, des branches, là où le rapport de force est plus favorable. « En outre, il faut prendre garde de ne pas étouffer depuis Bruxelles les entreprises dans les nouveaux Etats membres qui sont en phase de rattrapage économique », estime Thérèse de Liedekerke.

Changer le modèle social européen pour le rendre à nouveau compétitif

Entretient-elle volontairement un déficit social européen si vigoureusement dénoncé lors de la campagne référendaire française ? Thérèse de Liedekerke conteste ce diagnostic : « le socle social européen existe aujourd’hui, il est construit. Depuis les années 1990, nous avons mis en place ces règles nécessaires sur la sécurité ou la santé au travail et sur la lutte contre les discriminations ». Et de citer la directive sur le travail à temps partiel, celle sur les contrats à durée déterminée, ou l’accord cadre sur le télétravail. Maigre bilan ? « Il ne faut surtout pas faire l’erreur de peser l’Europe sociale au nombre de directives existantes ou à venir ». Pour Thérèse de Liedekerke, l’utilité de l’Union européenne réside aujourd’hui dans la confrontation des modèles existant parmi les Vingt-Sept, afin de jauger de l’efficacité de chacun d’eux. Le modèle social européen « a été formidable pour atteindre un haut niveau de compétitivité, explique-t-elle. Il faut maintenant voir comment on peut le changer pour le rendre de nouveau compétitif…».

Cyprien Chetaille

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