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Royaume-Uni : les syndicats, acteurs intermittents des restructurations

publié le 2007-02-01

Entretien avec Greg Thomson, responsable des questions de restructuration pour le syndicat Unison.

Quel rôle jouent les syndicats lors des restructurations ?

« Le cadre législatif anglais est très mince, mais il impose au moins une chose : l’obligation pour l’employeur d’informer et de consulter les syndicats dans les entreprises, du moins lorsqu’ils sont reconnus (ce qui n’est pas le cas partout). Mais la plupart des employeurs ont recours à la négociation pour lutter contre les résistances et conforter les salariés dans l’idée qu’ils ont été traités avec justice. Le rôle des syndicats est d’autant plus important qu’il y a très peu d’intervention des autorités nationales et régionales. Là où la présence syndicale n’est pas reconnue, l’employeur doit toujours respecter le délai de consultation des employés et des représentants du personnel. Mais dans un tel moment de crise, les salariés se sentent vulnérables et sont réticents à monter au créneau. Ils sont donc traités à minima ».

Quel est le contenu des négociations ?

« Le premier objectif est de minimiser le nombre de licenciements, en favorisant les reclassements dans l’entreprise et les départs volontaires. Nous surveillons aussi la sélection des personnes licenciées, pour qu’elle soit la moins injuste possible. Chez Unison, nous sommes opposés au principe du « dernier entré, premier sorti ». Il pénalise les femmes et les immigrés. Certaines femmes ont peu d’ancienneté parce qu’elle ont passé de nombreuses années à élever les enfants à la maison. Profiter de cela revient à les discriminer. Ensuite, nous essayons d’obtenir des indemnités plus élevées que ce que prévoit la loi, à savoir une multiplication du dernier salaire par l’ancienneté. Or une femme qui a travaillé pendant 30 ans, mais qui est passée à temps partiel les dernières années, est désavantagée par ce calcul. Chez British Gas, les syndicats ont réussi à négocier des arrangements spéciaux. Mais c’est loin d’être généralisé. »

Travaillez-vous avec les agences de placement pour aider les personnes à retrouver un emploi ?

« Ce n’est pas de notre responsabilité. Ce sont les entreprises qui décident parfois d’y faire appel, à leurs frais, en général pour des licenciements massifs. Il peut arriver que les agences publiques aident à financer ces programmes de reconversion, comme à Ryton (fermeture de l’usine Peugeot) et à Luton (usine Vauxhall), mais c’est exceptionnel. La coopération entre Vauxhall, l’agence régionale de développement et les syndicats à Luton pour organiser la reconversion de 1500 personnes est un exemple unique. Notre principal objectif reste le redéploiement des salariés dans d’autres branches ou postes de l’entreprise. Outre les enjeux de formation, on se rend compte que les cadres sont réticents à prendre dans leur équipe des personnes qui ont été licenciées. »

Les syndicats jouent-ils un rôle en matière de formation pour la reconversion professionnelle ?

« C’est un aspect essentiel, mais en amont des restructurations. Il existe une catégorie de représentants syndicaux chargés de la formation professionnelle (les learning representatives), dans le cadre d’un accord avec le gouvernement (programme « Life on learning »), dont le but est de produire une main d’œuvre qualifiée et flexible plus à même de faire face aux restructurations. Leur mission est de promouvoir la formation : aussi bien des cours d’Anglais pour les travailleurs immigrés que des formations techniques, des leçons d’informatique ou des formations autres pour développer de nouveaux talents. Il faut imaginer l’entreprise comme un organisme vivant soumis à une restructuration permanente. Les entreprises qui ont le mieux surmonté les restructurations les ont abordées sur le long terme. Chez British Telecom, la direction et les syndicats ont admis le principe de « restructuration permanente », en anticipant sur les besoins, pour éviter les licenciements obligatoires. Il existe un dialogue permanent pour reconvertir les gens vers d’autres fonctions (on leur fait trois propositions), ou négocier des indemnités de départ avantageuses. La procédure associe étroitement les syndicats, qui sont informés de tous les projets d’évolution. Et ils assistent les salariés quand on entre dans la phase effective des changements. »

Propos recueillis par Léa Delpont

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