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Immigration, le « oui mais… » des Pays-Bas

publié le 2007-04-01

Le 1er mai, les frontières néerlandaises s’ouvrent aux ressortissants des nouveaux pays membres de l’Union européenne (UE) après bien des discussions. Ce projet avait été reporté trois fois. Une série de garde fous a été exigée par les syndicats et le parlement, pour limiter les perturbations redoutées sur le marché du travail.

“Sur le papier, les employeurs sont censés payer les Polonais ou les Slovaques aussi bien que les salariés néerlandais, mais dans la pratique, il en va déjà tout autrement”, rappelle Anja Jongbloed, porte-parole de la Fédération des syndicats néerlandais (FNV). La plus grande centrale syndicale du pays, avec 1,1 million de membres, s’oppose notamment au recrutement de dockers polonais, qui acceptent des salaires de 5 euros de l’heure, cinq fois moins que les Néerlandais.

Les Pays-Bas sont prêts, soutient de son côté Piet Hein Donner, le ministre des Affaires sociales. Dans un pays qui emploie déjà entre 65 000 et 90 000 étrangers au noir, dans la restauration, l’horticulture et la construction, les employeurs ne devraient plus pouvoir tricher. Les inspections du travail, qui ont déjà été renforcées ces deux dernières années, vont redoubler en 2007. Une campagne d’information a été lancée en janvier sur les risques encourus par tout employeur ayant recours au travail clandestin. Depuis le 1er janvier 2005, les amendes sont passées de 900 à 8 000 euros par travailleur clandestin pour les entreprises, et 4 000 euros pour les particuliers. La loi sur les salaires minimum a été modifiée le 28 février 2007, imposant une nouvelle amende de 6 700 euros par salarié touchant moins que le Smic. Ultime précaution, un numéro vert a été instauré par l’Inspection du travail, pour recevoir des plaintes sur les éventuelles infractions aux conventions collectives en vigueur. Alors que le Parlement doit encore trancher, le gouvernement insiste : l’ouverture n’est pas seulement possible, elle est “nécessaire”.

Car les pénuries de personnels menacent d’entraver la croissance (2,9 % en 2006), en plein cycle de reprise. En novembre, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a donné l’alerte sur les “risques de surchauffe” de l’économie néerlandaise. Selon ses experts, le chômage néerlandais passera de 5 % aujourd’hui à 3 % en 2008, après quoi la situation sera tendue sur le marché du travail. A moyen terme, les employeurs anticipent sur de larges pénuries de personnels, dans l’informatique, la métallurgie et l’enseignement.

Le patronat, lui, désespère. “On ne peut pas multiplier à l’infini les précautions, avant une ouverture par laquelle il faudra de toutes façons bien passer”, affirme un porte-parole de la Confédération des employeurs et industries néerlandais (VNO-NCW). Ouverture ou pas, d’ailleurs, les Européens de l’Est affluent aux Pays-Bas. Au premier trimestre, ils ont été 24 000 à obtenir un permis de travail, soit autant que sur toute l’année 2005. Leur nombre pourrait dépasser les 120 000 personnes cette année, estime l’Agence nationale pour l’emploi (CWI), même si les frontières restent fermées.

Sabine Cessou

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