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Salaires des patrons : fin de la démesure ?

publié le 2007-11-01

Aux Pays-Bas, les salaires très élevés des dirigeants sont source de polémique. L’idée d’instaurer un plafond n’est pas exclue.

Le niveau de rémunération des dirigeants du secteur privé suscite aux Pays-Bas de plus en plus critiques. La polémique a rebondi, récemment encore, avec l’affaire ABN Amro, du nom de la banque rachetée en octobre par un consortium européen. Après cinq ans de stagnation, le titre ABN Amro a pris de la valeur en Bourse à partir de janvier 2007, à la faveur de rumeurs autour d’un éventuel rachat. Une opération très bénéfique pour son PDG, Rijkman Groenink, qui va empocher 26 millions d’euros sur la vente de ses actions, alors que son bilan est très contesté, dans la mesure où ABN Amro, la plus ancienne banque des Pays-Bas, va être démantelée.

En débat depuis plusieurs années, le plafonnement du salaire des grands patrons est l’un des chevaux de bataille du parti travailliste, membre de la coalition de centre-gauche au pouvoir depuis février 2007. Wouter Bos, le ministre travailliste des Finances, planche sur un train de mesures incitatives, pour en finir avec la “perversité” des tendances actuelles. Le jour même du rachat d’ABN Amro, le 17 octobre dernier, un député travailliste a proposé le gel des avoirs des directeurs de sociétés cotées, dès lors que ces dernières sont visées par une opération de rachat. Une majorité s’est dégagée au Parlement en faveur de cette mesure, sur laquelle le gouvernement a promis de plancher.

Cependant, le gel des avoirs des patrons ne satisfait guère Jacques Teuwen, secrétaire général du syndicat de cadres De Unie. “Cette mesure vient trop tard, après la vente d’ABN Amro et bien d’autres sociétés, qui se sont livrées à des abus”, dit-il. L’une des dernières polémiques en date porte sur Jan Bennink, le PDG de Numico, un groupe fabriquant des aliments pour nourrissons racheté en juillet par Danone. Sa prime de départ pourrait s’élever à 80 millions d’euros. Un niveau jugé “absurde” par les syndicats.
Agnes Jongerius, la secrétaire générale de la plus grande centrale du pays, la Fédération des syndicats néerlandais (FNV), plaide pour le relèvement de 52 % à 55 % du taux d’imposition des revenus les plus élevés (plus de 250 000 euros par an). Le petit Parti socialiste (SP), lui, demande l’interdiction pure et simple de toute prime pour les patrons. L’Association des actionnaires néerlandais (VEB) s’est elle aussi mobilisée, en publiant en avril dernier un classement des salaires les plus élevés : outre Jan Bennink, y sont épinglés les PDG de Heijmans (construction), Getronics (informatique), VNU (édition), Heineken (brasserie) et… ABN Amro.

Face à la levée de boucliers des patrons, qui l’accusent de vouloir faire des Pays-Bas une “île” séparée du reste du monde managérial, le ministre des Finances s’est jusqu’à présent contenté d’un “appel à la moralisation”. Début septembre, il a demandé aux conseils d’administration d’instaurer eux-mêmes des plafonds aux salaires et primes des PDG. Faute de quoi, a-t-il prévenu, le gouvernement sera contraint de passer à l’action. Un consensus s’est déjà dégagé, ces derniers mois, sur la “norme Balkenende”. Les 185 000 euros de salaire annuel du Premier ministre, Jan-Peter Balkenende, sont en passe de devenir un étalon : un seuil à ne pas dépasser dans le secteur public et une référence pour éviter de forts dérapages dans le privé.

Sabine Cessou à Amsterdam

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