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Immigration choisie : réactions d’un patron et d’une syndicaliste

publié le 2007-12-01

La porte s’entrouvre aux travailleurs étrangers, mais de manière sélective. Pour faciliter les recrutements dans les secteurs en tension, la loi de juillet 2006 sur l’immigration précise en effet que la situation de l’emploi ne sera plus opposable pour certains métiers qui manquent de bras. Les étrangers pourront donc obtenir des autorisations de travail, cela même si une personne déjà présente sur le territoire est susceptible d’occuper la profession. Les ministères de l’immigration et des finances ont défini deux listes de métiers en tension qu’ils ont présentées aux partenaires sociaux. La première énumère 152 métiers peu qualifiés (cuisinier, serveur, représentant à domicile, saisonnier agricole, etc.) et concerne seulement les ressortissants des nouveaux Etats membres. La seconde vise les étrangers non européens pour qui une trentaine de professions exigeant, pour la plupart, des diplômes de l’enseignement supérieur (informaticien expert, chargé d’études techniques du BTP, conducteur de travaux du BTP, géomètre, etc) seraient accessibles. Patrick Bernasconi et Francine Blanche réagissent à cette initiative.

Patrick Bernasconi, président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) :

« Cette idée d’ouvrir deux listes de recrutement pour les métiers en tension nous paraît être une bonne solution. Notre secteur est actuellement en pleine croissance. Nous comptabilisons 150 000 recrutements par an et la création de 15 000 emplois nets en 2006 et autant en 2007. Si on ajoute le secteur du bâtiment, ce sont 50 000 emplois nets qui sont créés chaque année. Cela a amené la profession à se mobiliser pour faire venir dans les centres de formation, les lycées professionnels des jeunes sans qualification. Ainsi, depuis quatre ans, cette politique en direction de ces publics est devenue notre principale priorité et nous avons adopté une vraie démarche commerciale pour attirer ces jeunes. L’opération a permis ainsi d’augmenter de 20% le nombre de jeunes. Aujourd’hui, nous formons 7000 apprentis sur les 10 000 nécessaires. Malgré ces résultats encourageants, il faudra donc faire appel à l’immigration pour satisfaire les demandes des employeurs. Mais ce n’est pas la même logique de recrutement et d’immigration massive que nous avons connue au cours des années 1960. Nous recherchons en premier des travailleurs de l’Union européenne, et pourquoi pas ensuite élargir aux autres travailleurs mais à condition qu’ils aient une qualification ».

Francine Blanche, secrétaire confédérale de la CGT :

« Nous savons que le retournement démographique va créer un important besoin d’immigration en France et dans l’ensemble de l’Union Européenne. Cela dit, l’action politique envisagée nous pose problème. Nous sommes par principe opposés à l’idée de listes qui organisent une discrimination entre ressortissants européens et les autres étrangers. Nous savons que pour ces métiers en tension dans des secteurs comme l’agriculture, le bâtiment, l’hôtellerie-restauration, les conditions de travail difficiles et les faibles niveaux de rémunération découragent les candidats à l’emploi. Si le gouvernement veut restreindre les flux d’immigration pourquoi n’agit-il pas pour rendre ces métiers plus attractifs ? Sa politique est incohérente. Nous constatons dans ces secteurs la présence très importante de travailleurs sans papier. Il y a dans la création d’une liste de métiers sans qualification réservés aux Européens, un sous entendu inadmissible : l’idée de remplacer des travailleurs du Sud par d’autres du Nord. Quel sort leur sera-t’il réservé si ce n’est l’expulsion. Nous demandons l’égalité de traitement; ce qui passe par la régularisation de ces sans papiers en activité pour leur permettre ainsi de faire face aux pressions d’employeurs dont ils sont parfois victimes. Cette possibilité existe dans la loi de 2006 et nous allons demander sa mise en oeuvre ».

Propos recueillis par Frédéric Rey

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