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par Laurence Janin-Schlemmer

Comme le décrit très justement Philippe Ashkénazy dans son ouvrage « Les désordres du travail : enquête sur le nouveau productivisme », les Etats-Unis peuvent se prévaloir depuis la dernière décennie de progrès significatifs en matière de santé et de sécurité au travail. L’économiste évoque même une « amélioration spectaculaire ». Cette évolution s’est pourtant heurtée à forte résistance. A la fin de son mandat, le Président Bill Clinton avait donné le feu vert à l’Occupational Safety and Health Organization, OSHA (affiliée au Ministère du Travail) pour élaborer un projet de loi établissant une régulation des conditions de travail assortie de contrôles techniques et administratifs et de sanctions juridiques.

Tollé à l’époque dans le monde de l’entreprise qui estime alors entre 20 et 100 milliards par an le coût pour être aux normes de l’OSHA. Certains y voient même l’effondrement du capitalisme ! La loi entrant en vigueur, c’est l’industrie automobile qui fait preuve de la meilleure volonté. Ainsi Ford, General Motors et Chrysler s’associent pour rencontrer les syndicats. De ces concertations naissent la mise en place de commissions composées de managers, d’ouvriers, et de syndicalistes qui dans chaque usine doivent identifier les problèmes d’ergonomie jamais adressés.

Revirement après l’élection de Bush

Mais dès l’accession au pouvoir de George W. Bush, le nouveau président change de cap. Sous son impulsion, la loi issue des dix années d’études de l’OSHA est reconnue par le Congrès préjudiciable pour les petites sociétés. Un tournant dont se souvient le Dr. Peter Budnick, P-DG d’Ergoweb, la société américaine la plus consultée aujourd’hui dans le domaine de l’ergonomie. « Dans les années qui ont suivi son arrivée au pouvoir, comme les sociétés n’étaient plus soumises à aucune réglementation, il a fallu démontrer point par point aux entreprises que la sécurité accrue avait un impact déterminant sur la qualité et la productivité. C’est là-dessus qu’on s’est battu ».

L’idée fait son chemin. « Par ailleurs, poursuit le Dr. Budnick, toujours dans l’automobile, l’exemple de Toyota en fait réfléchir plus d’un. Avec sa politique de « lean management », à savoir une réduction des déchets dans le processus de production et le respect de la force de travail, Toyota a démontré qu’une stratégie à long terme pouvait être payante. Enfin, dans une ère de mondialisation comme la nôtre, où chaque pays se dote de normes différentes, pour pouvoir s’imposer, il faut nécessairement pouvoir arguer des standards les plus hauts ».

A cela s’ajoutent des facteurs 100% américains comme la pression exercée par les syndicats qui aident les employés à porter plainte systématiquement contre l’entreprise avec des répercussion considérables si la société perd son procès, ou encore les rapports d’inspection que l’OSHA qui à compter de leur publication peuvent avoir un désagréable effet de contre-publicité. Enfin nul doute que l’étranglement financier exercé par les compagnies d’assurances privées qui répercutent le coût des accidents et des maladies du travail sur les primes payées, a été déterminant.

Que la volonté d’améliorer la sécurité et la santé au travail ait été motivée par des considérations économiques plus que par souci d’éthique, le résultat est pourtant là aujourd’hui. Comme en témoigne l’exemple du nouveau Boeing, le 787 Dreamliner. Pour ce biréacteur, l’ergonomie a été intégrée sur toute la chaine de production au même titre que tous les autres vecteurs contribuant à la réussite du projet. Une première. L’ergonomie a de beaux jours devant elle puisque le sujet a été abordé distinctement par les deux principaux candidats démocrates, les sénateurs Clinton et Obama, lors de leurs discours de campagne.

Un nouveau souffle pour les cabinets d’ergonomes

Si la Human Factors and Ergonomics Society, la plus importante association américaine dédiée à l’ergonomie, ne compte pas plus de membres qu’il y a cinq ans, force est de constater cependant le nombre d’organisations similaires comme l’American Society of Safety ou l’Institute of Industrial Engineers qui multiplient les conférences sur le thème de l’ergonomie appliquée. L’intérêt est bien là. « Et même si nous avons souffert après l’épisode Bush, » conclut le Dr. Budnick, il est certain qu’aujourd’hui, sans parler de « boom » des cabinets de consulting en ergonomie, leur croissance est réelle, constante et persistante ». Et à l’international ? L’IEA, International Association of Ergonomics basée aux Etats-Unis, fait elle état de l’importante demande générée par l’Afrique du Sud et l’Asie. D’ailleurs, le prochain congrès de l’IEA se tiendra en 2009 en Chine.

 

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