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Les PDG néerlandais sous surveillance

publié le 2008-04-15

Entretien avec Jan Maarten Slagter, Directeur de l’Association des actionnaires néerlandais (VEB)

Quelle est votre position sur la nouvelle fiscalité annoncée le 14 mars par La Haye pour limiter la rémunération des PDG ?

Jan Maarten Slagter

Ces mesures ne seront pas efficaces. Imposer de 30 % toutes les primes qui dépassent les salaires annuels de plus de 500 000 euros, cela ne suffira pas. Les taxes vont augmenter le fardeau fiscal pour les sociétés, à un niveau trop marginal pour vraiment jouer comme une incitation pour les conseils d’administration. Nous soutenons les mesures prévues pour limiter les conflits d’intérêts, mais encore faudrait-il que la notion soit clairement définie. Le gouvernement, dans son projet de loi, se base sur un mauvais exemple : les directeurs de fonds d’investissement ayant des parts dans leur propre société vont être taxés à 25 % sur les profits qu’ils en tirent. Ici, il ne s’agit que d’un alignement d’intérêts. Il n’y a conflit d’intérêt que lorsqu’un directeur profite du rachat de sa propre entreprise par le biais d’un fonds d’investissement auquel lui-même participe.

Etait-ce le cas pour Rijkman Groenink, le PDG d’ABN Amro, qui a touché 20 millions d’euros de profits personnels de la vente de sa société ?

Non, Rijkman Groenink détenait un plan d’actions personnel dans son entreprise. Cela dit, il aurait fallu empêcher ces profits en amont, avec un conseil d’administration capable de limiter la rémunération globale du PDG après la vente. Malheureusement, ces mécanismes n’existent pas.

Quelles mesures préconisez-vous ?

Nous souhaitons voir respecté le code de bonne conduite dénommé Tabaksblat et adopté en 2004. Ce document recommande notamment de ne pas octroyer de primes aux PDG dépassant le montant de leur salaire annuel. En tant qu’actionnaires, nous demandons aux conseils d’administration de prendre leurs responsabilités. Ils doivent garder les rémunérations dans les limites de l’intérêt de la société, et cesser de récompenser des échecs avec de grosses primes ! Ces pratiques sont trop courantes. Une prime de 2,5 millions d’euros a été annoncée pour l’année 2007, en faveur de Jean-Paul Votron, le PDG de la banque Fortis. C’est trois fois son salaire annuel !

Cette prime, nous dit-on, est un peu spéciale. Elle intervient après le rachat d’ABN Amro. Mais il n’est pas encore dit que ce rachat soit un succès. Fortis doit procéder à l’intégration des opérations d’ABN Amro, conserver les clients et nous prouver que le prix payé pour cette transaction n’était pas surestimé. Il est bien trop tôt pour récompenser le PDG.

Avez-vous joué un rôle spécifique dans le vote des actionnaires de Philips, le 29 mars, qui ont refusé à 57 % des voix les primes prévues pour les membres du conseil d’administration ?

Nous avons signalé les dérapages chez Philips année après année. Nous publions un palmarès annuel des PDG les mieux payés des Pays-Bas, dans lequel ont figuré les dirigeants de Philips. En ce qui concerne ce vote, les investisseurs institutionnels néerlandais, réunis dans l’organisation Eumedion, ont joué le plus grand rôle. Ils ont refusé une prime qui était transposable en actions, avec une action gratuite par action ainsi « achetée ». Grâce à leur opposition chez Philips, un vent nouveau s’est levé. Nous espérons voir le même type de décision se multiplier. Le vote des investisseurs institutionnels s’inscrit dans un un climat général, qui ne prévaut pas seulement aux Pays-Bas. Les actionnaires américains et britanniques se montrent de plus critiques sur la question des rémunérations.

Propos recueillis par Sabine Cessou à Amsterdam

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