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Les femmes détiendraient-elles les clés de la croissance ? C’est un constat partagé par les grandes organisations internationales et de multiples économistes de tous bords. Mais il est du « women’s empowerment » comme de l’ouverture des frontières, en cas de crise, on risque d’oublier.

the more women

En quoi consiste aujourd’hui cette contribution économique ?
Le nombre de femmes au travail dans le monde atteint 1,2 milliard pour 1,8 milliard d’hommes. La tertiarisation de l’économie s’accompagne d’une féminisation constante du marché du travail, + 18,4% en dix ans, et le secteur des services est maintenant leur principal employeur, dix points devant le secteur agricole (FMI).

Dans les pays industrialisés, les femmes exerçant une activité produisent environ 40% du PIB, et si l’on tient compte de la valeur des travaux ménagers et de l’éducation des enfants, leur contribution au PIB dépasse nettement les 50%. L’asymptote est encore loin d’être atteinte, ainsi, dans la zone euro, une hausse de 1% de l’activité des femmes conduirait à une progression du PIB de 0,75% par an.
De nombreux Etats de l’Union européenne ont d’ailleurs récemment pris des mesures pour attirer et maintenir les femmes au travail. Les raisons de ces politiques sont multiples, même si le plus souvent les motivations gouvernementales relèvent d’un pragmatisme bien compris face à des pénuries de main d’œuvre plutôt qu’à un souci d’équité. Toujours est-il qu’en ces temps de crise, on note qu’au sein de l’Union, l’augmentation du chômage sur un an touche relativement moins les femmes +0,4% que les hommes +1,2%. A suivre…

 

Dans les pays en développement, deux facteurs étroitement corrélés déterminent la contribution des femmes à la croissance : le niveau d’éducation et la possibilité d’accéder à une activité rémunérée. Les marges de développement que pourraient apporter les femmes restent considérables, en voici deux exemples en contrepoint.
En Asie du Sud Est, la croissance économique est due essentiellement aux femmes qui occupent deux tiers des emplois des industries d’exportation, secteur le plus dynamique de la région.
A l’inverse, en Afrique subsaharienne, les inégalités d’instruction et d’emploi entre les sexes réduisent chaque année la croissance par habitant de 0,8% (2008 OCDE). Rappelons que dans le monde, et l’Afrique est particulièrement touchée, deux tiers des enfants non scolarisés sont des filles et 75 % des 876 millions d’adultes analphabètes sont des femmes (2008 ONU). Des progrès importants sont néanmoins enregistrés depuis vingt ans.

En résumé et pour ne s’en tenir qu’au seul critère de la croissance, les femmes constituent une réserve potentielle indéniable de création de valeur. Le paradoxe veut que pour les économistes elles ne soient pas suffisamment exploitées. Il est clair qu’investir à leur endroit est éminemment rentable.

 

Pourtant, avec la crise, on risque de ne plus y penser… A quand un plan de relance un peu explicite sur le sujet, d’autant que sur le marché du travail, « les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à occuper des emplois à faible productivité, mal rémunérés, sans protection sociale, droits fondamentaux ou possibilité de s’exprimer » (2008 OIT).

Les femmes seront-elles les premières victimes de la crise ? Le comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a exprimé ses inquiétudes le 6 février dernier. « Alors que l’ampleur de la crise actuelle est encore difficile à mesurer, on s’attend à ce que les femmes et les jeunes filles des pays développés et en développement soient particulièrement affectées par les conséquences économiques et sociales potentielles, comme le chômage, la réduction des revenus…». Le comité demande aux Etats de ne pas réduire le financement des programmes destinés aux femmes et les exhorte à intégrer des femmes dans les discussions et processus de décisions, soulignant « la contribution unique qu’elles peuvent apporter pour résoudre la crise ».

 

L’appel de l’Onu sera-t-il entendu ? Notamment chez nous, en Europe, par exemple en République tchèque où la loi sur l’égalité de traitement et la lutte contre les discriminations n’est toujours pas votée ? Le Président de la République y a apposé son veto. Pourtant, il ne s’agit là que de transposer les acquis communautaires que doit appliquer tout Etat intégrant l’Union européenne. La Commission a engagé des poursuites et la Cour de justice des communautés a condamné la République tchèque pour non respect du droit communautaire.

Encore un effort, pour quelques points de croissance… et surtout pour plus d’équité.

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