3 minutes de lecture

par Claire Piot

Les salariés d’une entreprise en restructuration voient leur santé se dégrader, aussi bien sur le plan physique que psychologique, souligne le rapport HIRES (Health in restructuring), réalisé par 13 chercheurs européens et présenté le 30 avril dernier lors d’un séminaire à Lyon.

 

« Lorsqu’on évoque le problème des restructurations, on parle souvent de la santé des entreprises, mais pas de la santé des salariés alors qu’un changement d’organisation est toujours un facteur potentiel de stress« , souligne le professeur Thomas Kieselbach, de l’université de Brême, coordinateur du rapport.

 

Ce jour là, le ministre du Travail Brice Hortefeux a déclaré à Paris qu’il voulait améliorer les conditions de travail et mettre en place avant la fin de l’année un nouveau plan « santé au travail » pour la période 2010-2014 pour gérer les « troubles suscités par un stress excessif en cette période de crise« .

 

« L’Organisation Mondiale de la Santé parle de la crise comme d’une catastrophe épidémiologique majeure. Elle va se traduire par une forte augmentation du stress, des dépressions, des troubles cardio-vasculaires, des comportements addictifs, et au sommet de l’iceberg, de la mortalité et des suicides« , prévient Claude-Emmanuel Triomphe, directeur de publication de Metis et membre de l’Association Travail Emploi Europe Société (Astrees), organisatrice du séminaire avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). « Nous ne disposons pas d’indicateurs pour chiffrer l’impact des restructurations sur la santé« , mais plusieurs études européennes ont souligné la certitude de ce lien, a-t-il rappelé.

 

Or, même si le changement « est inévitable et fait partie de la vie quotidienne« , la santé des salariés est « rarement la priorité, ni de la part des employeurs, ni de la part des syndicats« , qui se concentrent sur la sauvegarde des emplois et l’indemnisation, a regretté Greg Thomson (syndicaliste britannique d’Unison).

 

Les restructurations affectent non seulement les salariés victimes de licenciements, mais aussi ceux qui restent dans l’entreprise, les « survivants », qui éprouvent un sentiment de culpabilité et de défiance vis-à-vis de l’entreprise. Ils souffrent également de la nouvelle organisation du travail, si elle s’intensifie. « Parmi eux, les managers, souvent pris « en sandwich », peuvent être très touchés, insiste M. Kieselbach. L’élément central, c’est la justice. Si le changement n’est pas perçu comme légitime, rien ne peut l’adoucir ou l’atténuer« .

 

Les intérimaires, sous-traitants ou CDD, qui sont « les plus vulnérables en termes de santé« , a fait valoir M. Triomphe, qui souligne que « ce n’est pas par la médicalisation et la psychologisation qu’on doit traiter le problème« . 

 

L’élément central, c’est la justice

Rémi Descosses, directeur général adjoint de l’entreprise Seb, explique qu' »il faut prévoir les restructurations quand l’entreprise est en bonne santé, car tout ce qui se fait à chaud entraîne une situation difficile pour le personnel », ce que souligne également Laurence Laigo (CFDT), tout en reconnaissant que les syndicats ont « parfois du mal à évoquer les problèmes avant« .

 

Le rapport préconise aussi d’améliorer le dialogue social et la communication, et met en avant la responsabilité sociale des entreprises. Le rapport Hires « doit faire prendre conscience qu’il est nécessaire de prendre en considération la santé des personnes dans les chantiers de changement« , a insisté M. Triomphe, estimant que « l’inattention aux conséquences sanitaires sera une inattention coupable« .

 

Enfin, il insiste sur la nécessité d’initiatives venues de la base, à l’instar de cette ancienne salarié de la Camif qui a créé un blog pour ne pas se « laisser mourir comme ça« , face au « traumatisme de la liquidation judiciaire« .

Avec AFP

Print Friendly, PDF & Email
+ posts