6 minutes de lecture

 

Les conclusions du rapport européen HIRES (Santé et restructurations – Health in Restructuring) alimentent plusieurs documents que la Commission rendra publics en novembre 2010 lors du premier grand forum consacré à la santé et au changement. Les clés du débat

Publié en 2009 au plus fort de la crise, alors que les restructurations se multipliaient dans toute l’Europe, le rapport HIRES a beaucoup circulé, faisant l’objet de nombreuses publications et discussions dans plus de 13 pays européens. Et si l’affaire France Telecom a connu une résonnance incroyable en France, et dans les pays voisins, c’est que le contexte s’y prête, même s’il est fort différent aux quatre coins de l’UE. Metis présente aujourd’hui les principales conclusions de ce tour d’Europe, alors qu’aux restructurations du secteur privé s’ajoutent désormais celles du secteur public.

 

Sante Justice

Un problème majeur, en suspens

La crise a accéléré les processus de restructuration et le rythme des changements organisationnels, accroissant la pression de la charge de travail sur les salariés. Par-delà les restructurations majeures, ce sont les restructurations « silencieuses » affectant les PME-PMI, les travailleurs temporaires voire les petits patrons qui sont les plus douloureuses. Partout, le problème de la santé dans les restructurations était encore largement négligé. Jusqu’à très récemment, nulle part en Europe, le sujet n’était à l’ordre du jour des syndicats, des employeurs ou des administrations publiques. Les problèmes psychologiques sont l’une des principales causes d’incapacité de travail des salariés : pressions, absentéisme, troubles du sommeil et suicides ont été dénoncés comme étant des signes majeurs.

 

Toutefois, les problèmes de santé liés aux restructurations risquent de connaître le même sort que ceux liés à l’amiante dont les effets délétères étaient connus, mais contre lesquels des mesures appropriées ont été très tardives. Santé et prévention des risques professionnels sont encore associées, dans les entreprises, à des coûts élevés. Et même si ce sont les salariés occasionnels qui souffrent le plus de cette situation, les actions entreprises dans ce domaine sont rares. Enfin, sujet hautement controversé, la reconnaissance des maladies professionnelles (dont les suicides) liées aux restructurations commence à être posée par les professionnels de la santé au travail, des assurances sociales ou des syndicalistes.

 

Un dialogue social à peine émergent

Le dialogue social est une préoccupation transversale, largement soulignée dans les recommandations du rapport HIRES, en particulier celles liées à l’anticipation, à la préparation et à la communication. Mais comment faire en sorte qu’il se saisisse de questions qu’il a jusqu’à aujourd’hui quasiment ignoré ? Les discussions européennes dégagent quelques pistes :

– mieux se préparer à négocier les changements et faire en sorte que les partenaires sociaux mènent des actions conjointes et agissent davantage en amont, comme au cours de toutes les phases du processus de restructuration – la préparation, l’exécution, et l’atténuation des conséquences négatives ;

– dépasser le cadre des négociations salariales qui restent dans de nombreux pays l’objet quasi unique de discussion, mais aussi beaucoup mieux coordonner une action syndicale aux niveaux des entreprises, des branches et des territoires

– développer la prise de conscience des syndicats, des délégués à la sécurité et à la santé au travail, des divers représentants du personnel, spécialisés ou pas sur ces questions, de l’importance d’un tel dialogue et impliquer davantage les salariés,

– agir beaucoup plus résolument en faveur du bien-être au travail s’en donner les compétences.

Un traitement équitable pour tous

Les séminaires tenus dans 13 pays européens ont confirmé que les principaux groupes à risque sont les salariés licenciés, les « survivants » (lire ici), les travailleurs précaires ainsi que les cadres intermédiaires et les patrons de très petites entreprises en difficulté. Pour tous ces groupes une question majeure se pose : celle de la justice – distributive, procédurale et communicationnelle – que la crise a rendu épineuse, notamment pour les travailleurs temporaires et les indépendants. Si tous les experts européens s’accordent à penser que l’inaction ne peut plus durer, seuls quelques pays ont lancé des initiatives expérimentales à l’adresse de ce dernier groupe ; car celui-ci reste donc aujourd’hui le premier sacrifié en temps de crises sans bénéficier des mêmes aides à l’emploi, ou d’un soutien a minima en matière de santé.

Dans de nombreux pays, les salariés sont insatisfaits de leur entreprise et ont le sentiment d’être traités inéquitablement. Aussi, pour garder leur confiance pendant des périodes aussi incertaines, il est nécessaire, pendant le processus de restructuration, de faire preuve d’équité et d’impartialité et de pratiquer une communication transparente. De même, il est primordial de faire preuve de cohérence. Enfin si les salariés ont leur mot à dire dans la prise de décision, ils seront alors plus enclins à considérer que la procédure est équitable. Justice, confiance, équité constituent dès lors un défi redoutable pour les entreprises, les acteurs sociaux et les administrations d’État, dans leur double rôle : de réglementation et de gestion.

Quelles responsabilités pour les entreprises et leurs dirigeants ?

La question de la santé et des restructurations pose naturellement la question des responsabilités. En la matière, il est difficile de séparer la responsabilité de l’entreprise, qui consiste à promouvoir la santé sur le lieu de travail, de la responsabilité de l’État et des autres acteurs publics, qui est de prendre soin de la santé des salariés. Sans mentionner la responsabilité des individus, engagée dans la mesure où ils doivent veiller à rester en bonne santé.

En matière de restructurations, les approches habituelles montrent que les dirigeants ont pris en compte certains aspects liés à l’emploi, mais qu’ils ignorent délibérément ceux qui ont rapport à la santé. Comme les restructurations et réorganisations font partie de la vie des organisations et des personnes, elles doivent être pleinement reconnues au titre des conditions du travail. Ceci ouvre un certain nombre de discussions sur la responsabilité des employeurs, à divers niveaux :

– comment intégrer stratégiquement la dimension de la santé dans l’anticipation, la préparation et la conduite des changements ?

– comment former les cadres dirigeants et intermédiaires en la matière ?

– quels coûts, jusqu’à présent largement externalisés, peut-on ré-internaliser et comment les répartir entre entreprises, salariés et contribuables ?

 

Lire le rapport HIRES et la video

 

SUITE

 

 

Print Friendly, PDF & Email
+ posts

Haut Commissariat à l'engagement civique