Dans la loi portant réforme des retraites, le sénat a introduit un amendement qui prévoit de « réfléchir » à partir de 2013 à une éventuelle réforme « systémique » des retraites. En arrière plan des actions et réactions politiques du moment, un système universel, durable, transparent, juste : le modèle suédois. Un objectif, un rêve pour les uns, une illusion, un leurre pour d’autres.
Ce modèle a inspiré l’Italie, la Lettonie, la Pologne, et en France, il intéresse des syndicats comme la CFDT et des socialistes comme des représentants de la majorité. Qu’en est-il ? En Suède, il existe aujourd’hui un système public des retraites et quatre régimes conventionnels qui le complètent et concernent 90% des salariés. Système public et régimes complémentaires ont évolué de façon concomitante.
La réforme
La réforme est entamée en 1991, très en amont des déséquilibres qui s’annoncent pour le futur et alors que le régime en place est très bénéficiaire et a permis d’accumuler l’équivalent de 5 années de pension sur un fonds de réserve. Les objectifs de la réforme :
– obtenir un équilibre financier strict et durable, l’évolution démographique conduisant à terme à un déficit du système,
– parvenir à un accord stable entre les partis politiques,
– établir une meilleure transparence de la situation financière de chaque assuré et de la situation globale du système,
– garantir une relation équitable entre cotisations versées tout au long de la vie et montant de la retraite,
– garantir un niveau de vie minimum aux plus âgés.
On peut ajouter que le système public antérieur à la réforme est dores et déjà « universel » et concerne donc tous les salariés, du public comme du privé.
Les principes de la réforme sont adoptés en 1994 « non pas suite à un consensus à la suédoise qui relève de l’image d’Epinal, mais d’un accord presque miraculeux entre les principaux partis politiques »,(Ole Settergren, Chargé de l’unification des agences de retraite complémentaire publique). La réforme est votée en 1998 et mise en œuvre progressivement dès 1999.
Dorénavant, le système public de retraite est composé de deux régimes à cotisations définies (et prestations variables), l’un par répartition (taux de cotisation de 16 %) et l’autre par capitalisation (taux de cotisation de 2,5 %). De plus, une retraite minimale garantie, financée par l’impôt, se substitue à la pension de base pour les personnes à faible niveau de pension.
Régime par répartition : les comptes notionnels
Il s’agit là de l’originalité et du principal « intérêt » du système suédois. Chaque assuré se voit attribuer un compte individuel, proche dans son principe du régime à points de l’Agirc et de l’Arrco en France. Sur ce compte « notionnel » (théorique en quelque sorte), sont créditées cotisations salariales et patronales, revalorisées chaque année par un taux qui suit la croissance du salaire moyen. Congés maladie, périodes de chômage ou d’incapacité donnent lieu à cotisation et donc à une augmentation des droits à pension. Certaines périodes pendant lesquelles l’assuré ne cotise pas (éducation de jeunes enfants, service national, études…) augmentent également les droits. Les cotisations correspondantes sont versées par le budget de l’Etat sur la base d’un revenu du travail fictif. Tout droit à pension a donc obligatoirement pour contrepartie des cotisations, soit prélevées sur les revenus du travail, soit prises en charge par l’Etat.
Lors de la liquidation de la retraite, le solde inscrit sur le compte est affecté d’un coefficient de conversion calculé selon :
– l’espérance de vie estimée de la cohorte à laquelle appartient le salarié,
– un taux d’actualisation correspondant à la croissance attendue du salaire moyen.
Les salariés peuvent liquider leur pension à tout âge à partir de 61 ans et donc choisir entre une retraite précoce ou une pension plus substantielle.
Des déséquilibres financiers peuvent intervenir dans ce régime par répartition, soit en cas d’augmentation du chômage et donc de diminution des emplois contributifs, soit en cas de durée de vie moyenne, supérieure à celle initialement prévue. Un « mécanisme correcteur automatique » a donc été mis au point en 2001, il conduit à corriger les droits accumulés et le niveau des pensions pour garantir l’équilibre entre recettes et engagements. Ce rééquilibrage pèse donc sur les cotisants comme sur les retraités. La crise a obligé la Suède à utiliser ce mécanisme en 2010, ce sera également le cas en 2011.
Régime par capitalisation, les comptes capitalisés
Une autre part des cotisations obligatoires (2,5 points) est versée sur le compte en capitalisation du salarié. Ces comptes sont gérés par une agence gouvernementale qui agrée des gestionnaires privés, lesquels proposent différents fonds de placements. Les assurés peuvent choisir jusqu’à 5 fonds.
Lors du départ à la retraite, l’agence gouvernementale convertit le capital accumulé en pension. Le taux de conversion varie en fonction de l’espérance de vie. Le bénéficiaire peut choisir entre une pension d’un montant fixe, non revalorisé et garanti pour toute la durée de la retraite ou une pension dont le montant varie selon le rendement des placements financiers.
Pension minimum garantie
Le nouveau système garantit un niveau minimum de pension aux personnes âgées de 65 ans ou plus. C’est une allocation différentielle, égale à la différence entre le montant garanti et celui des autres pensions. La pension minimum garantie est indexée sur les prix et prise en charge par l’Etat.
Information des salariés
Chaque salarié de plus de 26 ans reçoit chaque année la fameuse « enveloppe orange » qui contient un relevé de compte annuel. Celui-ci indique la retraite mensuelle totale que la personne devrait percevoir, en supposant qu’elle continue à travailler à son niveau actuel de rémunération jusqu’à la liquidation de sa retraite. Ce montant est donné pour plusieurs âges de liquidation (61, 65 et 70 ans) et selon deux hypothèses de taux de croissance du salaire réel moyen : 0 % et 2 %. De plus, pour les comptes capitalisés, le relevé fait apparaître gains ou pertes enregistrés sur les différents placements.
Régimes conventionnels complémentaires
Ces régimes complémentaires ont été instaurés par des négociations collectives interprofessionnelles dans les années 1960-70. Il en existe quatre : fonctionnaires d’Etat, fonctionnaires des collectivités locales, cols bleus du privé, cols blancs du privé. Leur taux de cotisation varie entre 2 et 5%. Avant la réforme, les régimes conventionnels fonctionnaient en prestations définies : la pension était calculée comme un pourcentage du salaire de fin de carrière. Parallèlement à la réforme du système public, entre 1996 et 2001, les régimes de la fonction publique et celui des cols bleus adoptent une formule d’épargne retraite à cotisations définies. Le régime des cols blancs du privé reste à prestations définies.
Pour en savoir plus
COR : Le système de retraite suédois
Les colloques du Cor : le système de retraite suédois
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