Sacré secteur que la grande distribution ! Née dès la fin des années 50 elle a connu une extension phénoménale. Généraliste et centrée d’abord sur l’alimentaire elle a depuis conquis la presque totalité des branches du commerce : meuble, jardinage, bricolage, vêtements, jouets, garages, appareils ménagers, paramédical, sans oublier les livres et plus généralement les produits culturels.
Certes son importance varie et son emprise n’est pas la même en France, en Italie en Pologne ou en Inde. Notons néanmoins que si on la considère en voie de saturation à l‘Ouest, elle ne cesse de s’étendre à l’Est et aussi parfois au Sud de l’Europe comme du monde !
Emblématique des mutations d’un capitalisme d’abord familial puis de plus en plus financier, elle est aussi pionnière dans la diffusion de nouveaux modèle productifs et organisationnels. Avec ses centrales d’achats, elle a révolutionné l’équilibre entre producteurs et fournisseurs – mais ceux- ci parfois s’organisent. Très vite elle s’est internationalisée – on pense à Carrefour bien sûr mais aussi à l’américain Wal Mart ou à bien d’autres. Elle a aussi innové en pratiquant à grande échelle la franchise qui permet de faire coexister process identiques et propriétés éclatées. Très vite enfin elle a su tirer parti de la globalisation et de ses opportunités de délocalisations. Sans elle la déferlante des vêtements made in China aurait sans doute été beaucoup plus limitée. Enfin, la grande distribution est aussi à l’origine du low cost et, avec le hard discount, du super low cost ! Voyez comment les compagnies aériennes et bien d’autres s’inspirent de son modèle et savent désormais organiser leur – fausse ? – concurrence interne
Les défis de demain ont pour noms nouvelles technologies et cybershops mais aussi, en Europe notamment, réinvention de la proximité. Et sans doute d’autres formules dont on ne sait pas encore s’il faut s’en réjouir ou déjà s’en désoler.
Tout cela n’est pas sans conséquence sur ses rapports aux salariés et aux clients. Le libre service basique d’hier s’accompagne aujourd’hui d’une fonction de conseil plus développée. Le modèle s’est aussi élargi afin d’offrir aux clients une palette à la fois diverse et intégrée: il s’agit désormais d’acheter – hier des produits, aujourd’hui de plus en plus de services- mais aussi de manger, de se distraire, de se soigner voire de se loger.
Reste la question salariale qui fait toujours figure de parent pauvre. A de rares exceptions le secteur n’offre pas de salaires décents et ne permet guère de progressions. Chez Wal-Mart, c’est une class action qui fait intrusion dans le droit social. Ses conditions de travail – à commencer par les horaires ! – restent pénibles en dépit d’améliorations constatées depuis une dizaine d’années. Sur le dialogue social, l’anti syndicalisme reste prégnant même si certaines grandes enseignes ont fait des progrès, parfois considérables mais parfois aussi très variables selon les pays. Innovatrice dans son organisation hier et aujourd’hui, la grande distribution saura-t-elle demain, au delà de ses affichages, exercer une responsabilité sociale à la hauteur de la place qu’elle occupe dans nos modes de travail et de vie ?
A ces interrogations « patronales » fait face un vrai défaut et donc défi syndical : le modèle industriel est difficilement transférable. Que faire face à des organisations qui jonglent entre maisons-mères, centrales d’achats fournisseurs et franchisés ? Quel modèle pour des activités où prédomine le personnel féminin à temps partiel, l’usage des contrats temporaires ? Comment intégrer cette permanence de la relation – et de l’exposition – au client ? Inutile de souligner que cette question, éminemment politique comme l’explique Isabelle Ferreras, dépasse la grande distribution !
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