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La Pologne connaît aussi l’austérité, alors que son PIB est en croissance. Depuis le début de la crise, l’Etat a mis en place une salve de mesures innovantes, mais la réforme du code du travail est toujours au point mort.

 

parlement polonais

Le chef du gouvernement Donald Tusk vient d’annoncer l’allongement de l’âge de la retraite à 67 ans pour tous les Polonais (actuellement 65 pour les hommes et 60 ans pour les femmes). Les agriculteurs seront soumis à l’impôt dès 2013. Plusieurs exemptions fiscales seront abolies et un nouvel impôt sera introduit sur les mines. Enfin, certaines professions seront libéralisées.

 

La Pologne est un des rares pays de l’Union Européenne qui ait échappé à la récession. Sa dette publique représente 57% du PIB (contre 84% pour la France). Le ralentissement économique a été limité (5% de croissance en 2008, contre 1,7% en 2009 et des prévisions optimistes à 2,8 % en 2013 selon la Commission européenne). Pourtant les statistiques du chômage culminent à 13%. Et la vox populi, considère que la crise économique au fond dure depuis 30 ans.

 

La crise financière de 2008 a eu un impact limité, car les banques polonaises sont très régulées et ne croulaient pas sous les actifs toxiques. Les banques étrangères qui détiennent la majeure partie du marché ont connu des difficultés, ce qui a provoqué une raréfaction des possibilités de crédit. Autre source d’instabilité majeure : les emprunts immobiliers contractés en franc suisse sont devenus plus difficiles à rembourser. Enfin, la bonne santé économique du pays est menacée par l’émigration massive de travailleurs polonais, le manque d’investissement global dans tous les secteurs publics d’éducation et de santé, car le volume des cotisations a baissé.

 

Si la production industrielle s’est maintenue dans les filiales polonaises de multinationales étrangères qui « ont maintenu leur compétitivité » estime Joanna Unterschütz dans un rapport pour ASTREES. Des licenciements massifs ont eu lieu dans la construction navale, les formes d’emploi précaire (avec les faux indépendants) se sont développées. Les salaires sont sous pression. Dès 2009, l’État a mis en œuvre des mesures d’austérité : gel des salaires dans le secteur public, augmentation de la TVA.

 

Trop peu, trop tard
La crise n’a pas précipité la réforme du code du travail, que les partenaires sociaux réclament depuis 10 ans. Une refonte globale est en discussion depuis 2007 au sein d’une commission, mais les travaux parlementaires n’ont pas commencé. Des réformes mineures ont adapté la législation aux nouvelles réalités économiques : introduction du télétravail, réglementation des agence d’intérim. Les changements juridiques les plus importants ont eu lieu avant cette date. Par exemple en 2004, la réforme du temps de travail a allongé la période de référence de 4 mois, pour permettre d’augmenter le nombre d’heures supplémentaires. Elle a instauré le travail du week-end, et la possibilité de travailler à temps partiel pour un congé maternité ou paternité
Enfin depuis 2007 l’employeur doit offrir aux indépendants et aux sous traitants qui interviennent dans son établissement les mêmes conditions de santé et de sécurité qu’à ses employés.

 

Les partenaires sociaux soutenaient 13 propositions dans le cadre du plan de sauvetage voté le 11 juillet 2009. Beaucoup n’ont pas abouti : l’augmentation des allocations chômage (717 zlotys, soit 190 EUR), l’exemption d’impôt sur l’affiliation syndicale et sur les investissements sociaux des entreprises, la mise en place de bons pour des biens ou des services, la modification du système de rémunération des managers dans les entreprises d’État, l’augmentation du salaire minimum (1386 zlotys soit 330 EUR) à 50% du salaire médian. Et pour revenir sur les réformes de 2007 : introduire des horaires de travail plus flexible pour permettre de concilier vie professionnelle et vie familiale.

 

Le plan de relance a mis en place des procédures de soutien pour ceux qui ont perdu leur emploi, et qui ne peuvent plus payer leur crédit immobilier. Des mesures protègent les entreprises et les particuliers contre l’augmentation des prix de l’énergie. Enfin, l’État renforce les garanties pour les PME, ce qui améliore leur accès au financement. Les contrats à durée déterminée ont aussi été limités. Le cumul des CDD ne peut excéder une période de 24 mois. Les employeurs peuvent recevoir des fonds pour cofinancer jusqu’à 80% la formation ou le diplôme d’un salarié.

 

« Trop tard », estiment les organisations syndicales et d’employeurs. En réalité le paquet anti-crise n’a pas rempli son rôle. Les procédures sont trop complexes, et les conditions d’éligibilités pour les employeurs trop restrictives. Quant aux salariés, ils estiment qu’ils sont perdants car les fonds publics sont parfois octroyés en échange de réduction de salaires.

 

À l’avenir, « une réforme plus profonde du code du travail polonais est nécessaire » conclue le rapport. Les discussions achoppent sur la définition fondamentale du contrat de travail. Dans un pays où le travail indépendant est très développé, certaines protections pourraient être étendues aux contrats de prestation de service et à des formes d’emploi atypiques pour protéger les groupes de travailleurs les plus vulnérables.

 

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