Comment sortir du piège de l’austérité ? Telle est la question posée par le dernier rapport du BIT sur la « Situation du travail dans le monde en 2012 ».
Un premier constat : la situation de l’emploi se détériore en Europe mais a également cessé de s’améliorer dans de nombreux pays. 50 millions d’emplois font toujours défaut par rapport à la situation d’avant crise. L’économie mondiale ne devrait pas croître à un rythme suffisant pour combler le déficit d’emplois actuel et pour fournir du travail aux plus de 80 millions de personnes qui vont arriver sur le marché du travail au cours de deux prochaines années.
Depuis 2010, le taux de chômage a augmenté dans près de deux tiers des pays européens et la reprise du marché du travail est au point mort dans d’autres économies avancées telles le Japon ou les Etats-Unis. Ailleurs, comme en Chine, les offres d’emplois ne suffisent pas à une population en âge de travailler toujours plus nombreuse et qualifiée. Les déficits d’emplois demeurent critiques dans l’essentiel du monde arabe et de l’Afrique.
Le BIT affirme que les déséquilibres des marchés du travail sont désormais devenus structurels avec deux conséquences majeures : les chômeurs de longue durée risquent d’être définitivement exclus du marché du travail, et un nombre toujours croissant de salariés sont désormais installés dans le travail précaire (temps partiel subi ou contrats de courte durée), en particulier les femmes et les jeunes. Le chômage de ces derniers a augmenté de 80% dans les économies développées et dans deux tiers des pays en développement.
Le déficit d’emploi va de pair avec un déficit prolongé des investissements, leur évolution est parfaitement parallèle. Ces investissements, souligne le rapport, sont de plus en plus volatiles, ce qui exacerbe la précarité de l’emploi dans les économies avancées comme dans les pays émergents.
L’austérité un piège pour l’Europe
Le BIT dénonce les stratégies politiques qui en Europe se sont détournées de la création d’emplois et de l’amélioration des conditions de travail pour se concentrer sur la réduction à tout prix des déficits budgétaires. Dans la majorité des Etats européens, les réglementations du travail ont été réduites et les institutions du marché du travail ont été affaiblies. Les marchés financiers étaient sensés y réagir favorablement or, l’équation austérité + dérégulation a conduit aux résultats que l’on sait dans toute l’Europe du Sud. Le cercle vicieux austérité, baisse de croissance, assèchement des crédits, déficits et chômage accrus est démontré. Le rapport ajoute que la déréglementation du travail en période de récession accroît les licenciements et que l’affaiblissement de la négociation collective conduit à la stagnation des salaires et au recul de la reprise de croissance.
Une alternative existe
Diverses propositions sont avancées par le BIT :
– renforcer les institutions des marchés du travail, notamment les négociations collectives afin que les salaires augmentent au même rythme que la productivité ;
– restaurer les conditions de crédit pour créer un environnement économique favorable aux PME ;
– taxer davantage les entreprises qui ne réinvestissent pas leurs profits et/ou alléger la fiscalité sur les entreprises qui mettent l’accent sur l’investissement et la création d’emplois ;
– se tourner vers une stratégie de croissance et d’emploi, ce qui suppose que l’on considère les politiques favorables à l’emploi comme bénéfiques pour l’économie et que l’on refuse de laisser la finance donner le ton pour l’élaboration des politiques.
Le rapport réfute l’hypothèse qui prévaut actuellement : la croissance naît de la rigueur et les emplois naissent à leur tour de la croissance. Cette hypothèse est qualifiée de contre-productive et pour le BIT, il est crucial d’en sortir rapidement.
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