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Choix budgétaires et fiscaux : l’impact sur le dialogue social

publié le 2012-12-05

Le gouvernement belge vient d’accoucher dans la douleur d’une proposition de budget pour l’année 2013. L’exercice était périlleux, il fallait trouver près de 4 milliards d’euros pour rester dans les clous européens. Le tout avec pas moins de 6 partis présents autour de la table de négociation. Hausse de la TVA, réforme de l’indexation des salaires, les sujets qui fâchent n’ont pas manqué. Mais le grand perdant pourrait bien être le dialogue social.

parlement belge

L’air est désormais connu. « La crise frappe dur » et personne en Belgique ne s’est étonné d’entendre le gouvernement fédéral affirmer que cette année encore, l’effort budgétaire devrait être considérable. Pas loin de 4 milliards d’euros devaient être trouvés pour 2013, simplement pour respecter les fameuses règles de déficit européennes. Autant dire que l’exercice était délicat, d’autant plus que le gouvernement belge est composé d’une coalition « papillon » regroupant socialistes, libéraux et démocrates-chrétiens, flamands et francophones.

Globalement, ces partis étaient d’accord pour chercher un tiers des mesures d’économies dans la réduction des dépenses de l’État, un tiers dans des mesures fiscales et le reste dans des participations d’entreprises, holdings et autres banques, ainsi que dans d’autres mesures particulières (régularisation de capitaux placés à l’étranger ou encore lutte renforcée contre la fraude fiscale ou sociale). Mais le diable est dans les détails et les négociations ont vite révélé d’importantes lignes de fracture.

« Tabous » contre « tabous »
Le 12 novembre dernier, le quotidien « le Soir » appelait sur son site internet les socialistes wallons du PS et les libéraux flamands du VLD à « abandonner leurs tabous », révélant ainsi le principal clivage au sein de la majorité. D’un côté une « gauche » incarnée par un PS refusant obstinément que l’on touche à l’indexation des salaires. De l’autre, une « droite » emmenée par un VLD souhaitant davantage miser sur la compétitivité et qui, à ce titre, refuse toute hausse de la TVA. Il faut dire que cette dernière proposition, un temps contemplée par le premier ministre, n’a pas trouvé un écho très favorable dans les différents partis de la majorité. La TVA est déjà relativement élevée en Belgique (21% contre 19% en France et en Allemagne) et la perspective de la porter à 22% faisait craindre autant pour le pouvoir d’achat des ménages que pour la compétitivité des entreprises.

Le choix de la « modération »
Exit donc la TVA. Restait la question des salaires. Car si le principe de leur indexation automatique ne risque pas vraiment de faire l’objet d’une remise en cause sérieuse au plat pays (au grand dam des libéraux), il existe néanmoins d’autres façons d’en limiter l’impact. Le « saut d’index », la réforme du panier de référence ou encore un gel des salaires « hors index » en sont les exemples les plus couramment évoqués. Mais à côté d’une légère réforme du panier d’index, c’est surtout la « modération salariale » qui a finalement été retenue par le gouvernement.

L’objectif est de réduire l’écart salarial avec les principaux pays voisins (Allemagne, France, Pays-Bas) de 0,9% durant les 2 prochaines années, sur le modèle de la « Loi de compétitivité de 1996 » qui encadre déjà les négociations salariales selon des limites imposées par les évolutions des pays limitrophes. L’indexation automatique n’est donc pas concernée, de même que les éventuelles augmentations barémiques. Les « bas salaires » échapperaient également en principe à la mesure.

Oppositions syndicales
Malgré ces exceptions – dont la portée exacte reste encore à préciser – les syndicats ont accueilli la nouvelle plutôt froidement. Tous dénoncent un accord qui ne leur laisse presqu’aucune marge de manœuvre dans le cadre des futures négociations interprofessionnelles censées débuter ces jours-ci. Le sentiment général étant que le gouvernement essaye de se défaire de la « patate chaude » au détriment de la concertation sociale.
La FGTB menace d’ailleurs de boycotter les négociations si certaines garanties ne lui sont pas apportées. Les deux autres grands syndicats (CSC et CGSLB) ont quant à eux fait savoir qu’ils participeraient, mais dans l’objectif explicite de rétablir un « déséquilibre inacceptable ».

L’Europe s’en mêle
De quoi comprendre l’extrême prudence avec laquelle le gouvernement a fait part de l’accord intervenu sur le budget la semaine dernière, bon nombre de ses dispositions étant tributaires d’une concertation sociale appelée à se dérouler dans un contexte extrêmement tendu.
D’ailleurs, comme si cela ne suffisait pas, la Commission européenne vient de jeter son propre pavé dans la marre. En cause, la récente recapitalisation de Dexia que le gouvernement belge considérait jusqu’à maintenant comme un investissement. Ce qui n’est pas de l’avis d’Eurostat, qui y voit plutôt une dépense. Le gouvernement a jusqu’au 12 décembre pour convaincre la Commission du contraire. S’il échoue, ce serait près de 3 milliards supplémentaires qu’il faudrait trouver. Les « partenaires sociaux » apprécieront.

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