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par Jean-Paul Guillot, Claude Emmanuel Triomphe

Le 7 janvier dernier, Hortense Archambault, Jean-Denis Combrexelle et Jean-Patrick Gille ont remis au premier ministre français leur rapport « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle ». Economiste, chargé en 2004-2005 d’une mission sur le financement de l’emploi dans le secteur du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel, Jean-Paul Guillot, qui préside par ailleurs l’association Réalités du Dialogue Social, a participé au groupe d’experts qui a travaillé sur les éléments de cadrage du secteur et le chiffrage des propositions des acteurs. Il répond aux questions de Metis.

 

Kawe CalypsoLe rapport de la mission sur l’intermittence dans le spectacle est loin d’être le premier : qu’est-ce qui fait sa spécificité et qu’apporte-t-il de neuf au débat et à la prise de décision ?

Ce rapport fait suite à une large concertation avec tous les acteurs du secteur, les acteurs de la négociation interprofessionnelle sur l’assurance chômage, les services de l’Etat, les collectivités territoriales. Ses auteurs considèrent que leurs travaux ne constituent qu’une « étape pour créer les bases d’un dialogue apaisé et plus fructueux ». La concertation, très bien menée, a permis :

– de mettre en évidence la nécessité de poursuivre les efforts engagés depuis le milieu des années 2000 pour la structuration du secteur et un encadrement renforcé du CCDU (Contrat à Durée Déterminée d’Usage),

– d’identifier clairement les responsabilités respectives de chaque acteur : Etat, interprofession, l’interbranche et les 9 branches professionnelles du secteur, les organismes gestionnaires et l’ensemble des salariés et employeurs du secteur,

– de confirmer un large accord sur le fait que le rôle de l’UNEDIC est d’apporter un revenu de remplacement et non un revenu de complément et que la formule d’indemnisation adoptée en 2006 pour encourager la déclaration des temps de travail et des rémunérations allait dans le bon sens,

– d’évaluer les effets mécaniques des propositions d’évolution des règles d’indemnisation que certaines organisations ont proposé comme alternatives à l’accord actuel; les travaux de chiffrage effectués par les services de l’Unedic et validé par le « groupe d’experts » ont permis de mettre en évidence que l’impact « mécanique » de certaines mesures – qui font encore débat- comme le retour à une date anniversaire ou des plafonnements plus stricts que dans le régime général pouvait permettre des améliorations pour les professionnels les plus fragiles comme pour les comptes de l’Unedic; il reste toutefois à évaluer les « effets de pratiques » dans le même esprit de partage des faits et des opinions que la mission a su créer.

 

Le rapport parle d’une nouvelle méthode de dialogue social : qu’entendez-vous qu’entendent ses auteurs par là ?

Le rapport innove en proposant la consécration des annexes dans une loi (ce que contestent plusieurs organisations syndicales nationales d’employeurs et de salariés) et en responsabilisant les acteurs de la négociation dans leurs rôles respectifs.

 

Historiquement, les organisations syndicales et patronales représentatives au plan national engageaient la négociation sur les annexes 8 et 10 applicables aux « intermittents » au terme de celle portant sur la convention générale. Le rapport propose une meilleure articulation entre l’interprofession et le secteur :

– les partenaires sociaux du secteur définissent les emplois relevant du CDDU, les conditions et le temps de travail, les salaires;

– l’ensemble des acteurs concernés se réunissent tous les cinq ans pour porter une réflexion à moyen terme sur les entreprises, l’évolution des emplois et de la politique culturelle de l’Etat et des collectivités territoriales;

– les organisations représentatives syndicales et patronales du niveau interprofessionnel définissent les axes, montants et équilibres qui s’imposent aux annexes 8 et 10 applicables au secteur et sollicitent les organisations sectorielles représentatives pour proposer des solutions s’inscrivant dans la future convention d’assurance chômage, puis arrêtent des dispositions qui entrent dans le cadre général en tenant compte autant que possible des propositions du secteur.

 

Enfin, le rapport invite les acteurs à assurer le suivi de leurs décisions et il incite à une amélioration des rapports entre les professionnels du secteur et Pôle Emploi.

 

Qu’est ce qui pourrait changer concrètement en matière d’indemnisation du chômage et comment les négociateurs de l’assurance-chômage ont-ils accueilli vos propositions à ce jour ?

La poursuite des efforts de structuration de l’emploi par les partenaires sociaux des 9 branches du secteur (encadrement du CDDU notamment) et l’analyse des propositions de certaines organisations devraient permettre d’assurer une indemnisation équitable aux professionnels qui relèvent légitimement des annexes 8 et 10 en réduisant quelque peu le coût pour l’Unedic.

 

Le rapport propose par ailleurs :

– la mise en place d’un fonds de soutien à l’emploi pour permettre le maintien de la croissance du secteur,

– l’engagement avec les acteurs concernés d’un travail de simplifications administratives qui permettrait aux entreprises du secteur de retrouver des marges financières et de mieux assumer leurs efforts de structuration de l’emploi.

 

Pour aller plus loin

Hortense Archambault, Jean-Denis Combrexelle et Jean-Patrick Gille. Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle (Janvier 2015)
Infographie : les intermittents en Europe (Metis – Juillet 2014)

 

Crédit image : CC/Flickr/Jean-Marc Aspe

 

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