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par Victor Castellani

Même si avec l’hiver on hiberne un peu du côté du Vieux Port, il continue à s’en passer des choses. Fin de mandature dramatique pour Gaudin, Gilets jaunes bien partis pour s’installer, fonctionnaires à la dérive : Victor Castellani poursuit ici ses chroniques douces-amères « Vu de Marseille ».

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Photo by Val Vesa on Unsplash

Ici sur la Canebière, rien ne va tout à fait comme avant les écroulements. Notre bon Jean-Claude est devenu presque invisible, inaudible ! Même son éminence grise, ce directeur général des services à qui il doit tout et qui avait la main sur tout, a fini par quitter le navire. Bref à la mairie, y a dégun. Déjà que côté temps de travail, ils se sont fait épinglés : Cour des comptes, procureur et tout le bastringue. Il était temps, car comme on dit ici « à la mairie de Marseille, on en est, mais on n’y travaille pas ». Espérons que l’affaire ne soit pas enterrée, comme ce fut trop le cas dans le passé. Certes, ici on aime le temps long. Surtout pour les travaux. Et je ne parle pas que du métro ! Imaginez-vous que même pour installer quelques dizaines d’urinoirs publics – il n’y en avait pas ici, vous vous rendez compte ! – ça va prendre plusieurs années.
Un des trucs qui marche avec la RTM c’est son alerte sur mobile. Pour nous signaler les perturbations du trafic comme ils disent. Avec les manifs qui se succèdent presque tous les jours, on a plus d’alertes que de bus le soir ! Y avait les Kurdes, les sans-papiers, les délogés, la CGT, mais là avec les gilets jaunes c’est le pompon. Tous les samedis, le Vieux Port est jaune. Battus à plate couture les cocos ! Le tram bloqué, Angèle, ma coiffeuse, elle s’en fout un peu. Elle ne prend que sa voiture. Mais ça lui fait perdre des clients. Des bons clients comme elle dit. Pourtant, les Gilets, elle les comprend. « Si ce n’est pas une honte de ne pas pouvoir joindre les deux bouts quand on bosse ». Pour les dégâts elle tique un peu. Tout ce chapacan ! Mais ce sont les jeunes, les casseurs. Alors qu’elle finissait de me raser la nuque, on a parlé du grand débat. Des cahiers de doléances dans les mairies. Elle aussi aurait des choses à dire. « Mais à quoi bon ? On n’était pas entendu hier. Et vous croyez qu’on va l’être aujourd’hui ? Foutaises. De toute façon vous savez bien que tout est déjà décidé à l’avance, non ? ».

Le truc qui tue, elle le garde pour la fin. « Et qu’est-ce que ça va changer pour Marseille hein ? C’est pas tout ce blabla qui va nous faire venir des cadres, qui va nous remplir les appartements de la Rue de la République ! » C’est vrai qu’après avoir délogé les habitants à faibles revenus, des fonds américains ont rénové à grands frais les beaux immeubles haussmanniens de cette avenue. En pure perte pour l’instant : les logements restent vides, les loyers sont trop élevés. Et puis autour, y a trop de pauvreté. Les riches préféreront toujours le 8e, le Roucas Blanc, Endoume. Je parle même pas d’Aix. Ici au centre il y a des pauvres et des touristes, voilà. Quant aux emplois, c’est pour l’an pèbre ! Et à part les JO en 2024, on ne voit rien venir.

Faudrait aussi que je vous cause de Jacqueline et de ses potes fonctionnaires. Elle est plutôt du genre insoumise et nous fait souvent sa mélanchonne. Quand je lui dis qu’elle a quand même de la chance, un travail pépère, la sécurité de l’emploi et tout le tintouin, elle s’escagasse. « Tu n’as rien compris, tout ça est en train de basculer. RGPP, modernisation publique, et maintenant Action 2022 : dans certaines administrations on en est à la troisième grosse restructuration en 10 ans. On nous a servi à plusieurs reprises les vertus de la fusion avec untel puis untel, l’Etat stratège et j’en passe. Au début on y a cru au moins un peu, puis de moins en moinsse. Résultat : démotivation des agents, absentéisme, congés maladie et surtout, surtout apathie. Ajoutez des responsables qui se terrent dans leurs bureaux, des reportings dans tous les sens, mais qui n’ont pas de sens… Bref, la réforme à venir ne génère même plus de révolte. Juste le sentiment d’un immense gâchis. On leur dit, bien sûr, que rien n’est décidé, qu’il faut attendre la fin du grand débat, mais les réunions de préfiguration des réorganisations continuent comme si de rien n’était. Je ne vous dis pas le soulagement de ceux qui partent en retraite et la frustration de ceux qui les voient partir : « au moins eux ils auront échappé à ça ! » ».

J’oubliais deux trucs : le soleil luit à nouveau sur le Vieux Port. La saison des ballades au Frioul ou dans les Calanques est de retour. Sans parler de celui de l’OM. On dirait que Rudy Garcia a retrouvé la niaque et ses joueurs avec ! Et quand l’OM gagne, Marseille revit !

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