Respect pour les consignes. Nous confinons. Moi, je confine à Paris, une ville que j’aime, dont j’aime le mouvement, le bruit, l’animation, la diversité, la vie multiple, des gens de toutes couleurs et de toutes provenances.
Hier j’ai un petit peu marché vers le soir : il n’y avait plus que deux types d’humains. Des gens qui courent, avec les chaussures qui vont bien, des sortes de smartphones sur leur avant-bras droit : ils sont blancs, mâles ou femelles en proportion à peu près égale, jeunes le plus souvent. Et ils courent sans regarder qui que ce soit. Les autres ne sont pas souvent blancs, ils sont de sexe masculin et s’échinent sur des vélos (pas électriques) avec d’énormes sacs rectangulaires marqués des noms exotiques, encore inconnus il y a quelques années, Deliveroo, Uber Eats… Avec leurs vélos, dans le grand et impressionnant silence de Paris confiné, ils travaillent, ils n’ont pas de masques (leurs donneurs d’ordre ne sont pas leurs employeurs et ne sont tenus à rien…), pas de gants. Ils déposent leurs colis (parfois pas grand-chose : une pizza et deux bières) sur le seuil de leurs clients : peut-être avant arrivait-il qu’ils croisent un regard, qu’ils échangent un sourire (avant d’être « notés »).
Maintenant non, nous sommes au temps de la « distanciation sociale » : je me demande (et j’espère qu’il y aura des recherches là-dessus) comment a pu se fabriquer et se répandre une telle expression honteuse !
Alors il y a ceux qui télé-travaillent at home (ou dans leur campagne) et ceux qui bossent « au contact », « au front » : des infirmières aux caissières de supermarché, ou aux marchands de fruits et légumes chinois. L’embêtant c’est que ce sont les premiers, protégés, qui décident pour les seconds, exposés.
Étrange suspension du travail ordinaire, de la circulation et de la vie. Étrange suspension de presque tout, et qui interroge sur la nature de ce « tout ». Est-ce que peut être l’inutilité de certaines choses, de certaines tâches apparaîtra ? les bullshits jobs par exemple. Que serons-nous quand nous reviendrons au travail ?
Certainement de nouvelles manières de travailler, de collaborer, en sortiront. Il est encore trop tôt pour en parler, mais il est temps de recueillir des témoignages.
Est-ce que la nocivité de certains fonctionnements (les excès de la mondialisation, les bulles spéculatives, la précipitation et la vitesse comme buts ultimes, la consommation effrénée, la folie compulsionnelle du flux d’informations…) apparaîtra aux yeux de tous ?
Les mesures économiques prises par les États et par l’Europe vont à l’encontre de toutes les convictions précédemment exprimées. On les a déjà oubliées, ou presque. Étrangement la critique du capitalisme financier et des excès de la mondialisation ne sera pas venue des idées et actions « révolutionnaires », mais d’un alien… Leçons pour l’histoire, leçons pour nous tous. Quand il sera temps d’y penser.
Merci Danielle, un bel édito!
J’espère que tu vas creuser ta pertinente remarque sur la distanciation sociale!
et travaillons pour que l’inverse se reproduise: un vrai rapprochement social pour inventer une façon civilisée, solidaire, responsable de vivre en société.
Bien à toi et bon courage
On nous parle de « confinement total » et de « distanciation sociale » que je comprends tout à fait dans leur finalité mais on voit dans le même temps que cette épidémie appelée pandémie n’a pas encore trouvé ses remèdes au
travers de médicaments ou vaccins. Faute de savoir maîtriser médicalement la situation, le seul traitement efficace au vu des résultats obtenus dans certains pays tels que la Corée du Sud, Singapour ou encore Hong-Kong s’appelle
confinement et distanciation sociale qui fait appel à la responsabilité et au civisme des citoyens créant chez certains un sentiment de frustration voire de rejet parce que cela pose des limites et des contraintes insupportables ! Cette
crise sanitaire révèle que cette société « individualiste, de la concurrence et de la compétition » se retrouve dans l’obligation d’être solidaire pour se sortir du mauvais pas dans lequel nous sommes car les conséquences seront
sans doute redoutables si la pandémie devait durer dans le temps. On retrouve actuellement toute la justification et la pertinence de l' »intérêt général » face à cette incertitude qui nous attend, on ne peut plus jouer chacun pour soi.
Bien sûr qu’on finira par trouver une solution médicale au coronavirus, mais aujourd’hui la seule solution qui vaille se trouve dans la solidarité et la mise à l’épreuve du choix de l’intérêt général par chacun dans l’intérêt de tous.
C’est peut-être là que se trouve notre véritable virus, celui de l’individualisme et de ses limites en situation de crise.
Merci Danielle pour cet edito tellement réaliste.