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danielle kaisergruberUne nouvelle année : nul ne résiste aux comparaisons. Sera-t-elle meilleure (ce que l’on se souhaite tous) ou pire (ce que chacun redoute) ? Eh voilà la boite à malices ouverte, la boite à larmoyances diverses, des plus importantes (la guerre) au plus anecdotique (les éventuels délestages d’électricité).

Je relis les pages récentes de mon journal : toutes les notations qui s’y trouvent s’attachent au caractère contradictoire des événements, constats ou réflexions qui nous touchent.

Poutine (la Russie ?) fait une guerre conventionnelle d’une grande cruauté sous parapluie nucléaire. Les problèmes énergétiques que nous ne voulions pas voir tant nous sommes habitués à appuyer sur un bouton ou ouvrir un robinet, parfois même à demander à Alexa de le faire sont considérables. Les prix de l’énergie nous poussent à économiser, une bonne chose bien qu’il soit paradoxal de devoir à Poutine, et peu à nos convictions, notre sagesse nouvelle en matière de consommation. De nombreuses conséquences s’ensuivront pour les entreprises, les emplois et le travail. La sobriété aura un prix social. Et ce ne sont pas les bricolages de compensations par catégories, par métiers, par revenus, qui le feront passer. Ni les gesticulations des députés.

Cette guerre russe et ukrainienne se prénomme encore « opération spéciale »… Les guerres montrent le poids de l’histoire : il n’est pas mauvais de rappeler à la mémoire française, toujours un peu sélective, que nous avons eu une « guerre sans nom », une « opération de maintien de l’ordre » pendant plusieurs années en Algérie. Et pourtant c’était une guerre d’indépendance, une terrible guerre coloniale et par certains côtés une guerre civile : la Chaine Parlementaire LCP a consacré les soirées de la semaine dernière à la projection d’une série écrite par Georges-Marc Benamou et Benjamin Stora qui mérite d’être suivie. Les traces « de ces événements » comme on disait alors, sont partout, dans le monde du travail, dans les villes et les quartiers, dans nos rapports à l’immigration.

La Chine ne fait pas de guerre, mais ce qui s’y passe est d’une violence inouïe : un changement radical de politique sanitaire et donc de quotidien, immédiat et total, du jour au lendemain, est une manifestation de pouvoir autant qu’une reculade. Ceux opérés pendant les années Mao ont été de ce type. Avez-vous vu le film « H6 » de la jeune réalisatrice Ye Ye, tourné à l’hôpital du peuple n° 6 à Shanghai ? Juste à hauteur d’homme (et de femme) la vie d’un hôpital dans le vertige du nombre, le désastre du nombre et sa sagesse ironique. « Ce qui se passe en Chine ne reste pas en Chine », a écrit un groupe d’économistes de la FED américaine.

Reconnaitre les contradictions, analyser les vrais problèmes au-delà de la contagion des opinions et des jugements à l’emporte-pièce : nous avons là un vrai devoir partagé de lucidité. Et d’action. Et de recherche de cohérence. Chacun a sa place.

Les dossiers sociaux en France et en Europe ne manquent pas : les Assises du travail en préparation, les nouvelles dispositions concernant l’immigration et le travail, la construction de France Travail, la « réforme » de la réforme de la formation professionnelle et la transformation de l’enseignement professionnel, les mobilités, et tout ce que nous n’avons pas encore vu venir. Et dès maintenant la réforme des retraites : contradiction peut-être en chacun de nous entre un certain bon sens réaliste (« on ne peut pas vivre aussi longtemps et ne rien changer ») et un espoir bien personnel (« pas pour moi »).

Et pour commencer l’année, un dossier sur la Suède : « modèle ou contre-modèle ? »

L’équipe de rédaction de Metis vous dit juste « bonne année et bonne santé » !

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.