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par Pierre Tartakowsky

« Actuellement, la tâche la plus urgente pour le mouvement syndical consiste à construire une réponse convaincante et effective à la mondialisation ». Cet objectif, fixé au dernier congrès de la CISL, en 2004, l’une des deux grandes internationales syndicales, devrait trouver un début de concrétisation en novembre prochain, à Vienne. A cette occasion, le mouvement syndical mondial claquera définitivement la porte de la guerre froide, dont il avait adopté les lignes de fractures et les antagonismes, pour entrer de plain pied dans le monde globalisé. Cette transition se jouera en deux temps. Les deux grandes centrales internationales, la CISL et la CMT vont se dissoudre pour, dans la foulée, fonder une nouvelle organisation dont les statuts, le programme, les valeurs ont été préalablement discutés avec une série d’organisations dites non affiliées dont, entre autres, la CGT française. Discussions délicates puisqu’il s’agissait d’aboutir à un résultat qui ne froisse ni ne lèse personne, que ce soit dans le domaine des valeurs ou dans celui des prérogatives statutaires. Les tensions héritées de l’histoire et d’affrontements encore bien contemporains ont pourtant été dépassées. Dans ce cadre, l’expression « syndicats libres », trop explicitement liée à la guerre froide a été écartée au bénéfice de valeurs qui proclament la supériorité du travail sur le capital, définissent le syndicalisme comme un facteur de transformation sociale, sur la base de la défense des droits fondamentaux. Au-delà des mots, il s’agit bien de réussir une sorte de révolution copernicienne, ainsi résumée par Guy Ryder, le secrétaire général de la CISL : « le nouvel internationalisme que nous voulons promouvoir vise à devenir une composante centrale de l’activité syndicale nationale ».

Reste que comme souvent, Vienne sera le début des vrais problèmes. Il faudra notamment définir, c’est un classique du syndicalisme, la nature réelle des relations entre la Confédération et les puissantes internationales professionnelles, réunies dans Global Union ainsi qu’avec les régions, notamment la Confédération européenne des syndicats (CES), dont l’exemple aura été déterminant tout au long du processus. En effet, l’énorme travail de relations diplomatiques prélable à Vienne a été confié a Emilio Gabaglio, ex secrétaire général de la CES. Au-delà des qualités de l’homme, c’est bien un modèle d’unité qui a prévalu pour le plan mondial. Et au-delà sans doute, un certain modèle de pratique syndicale : lié à la société civile, actif dans l’espace public…

Cette nouvelle organisation sera-t-elle en capacité de relever les défis posés au syndicalisme par la mondialisation des entreprises, des organisations du travail et des services ? Elle constitue en tout cas un interlocuteur de poids, légitime à reposer les termes de la négociation tant au niveau des groupes qu’à celui plus global de la gouvernance mondiale.

Pierre Tartakowsky

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