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par Cécile Jolly

Aors que s’achève l’année de la mobilité en Europe, les entreprises polonaises s’inquiètent de la fuite des cerveaux. Bien que le taux de chômage y soit le plus élevé d’Europe (16%), la Pologne est confrontée à des pénuries de main d’œuvre. Contrairement à l’image d’Épinal du plombier polonais, ce sont les travailleurs qualifiés, plutôt jeunes, qui émigrent vers le Royaume Uni, la Suède et l’Irlande, seuls pays de l’Union à n’avoir pas imposé de restrictions transitoires pour les travailleurs des nouveaux États membres. A cela s’ajoutent les migrations illégales vers l’Allemagne en particulier et la mobilité saisonnière vers les pays immédiatement voisins. Les estimations du nombre de départs sont éminemment variables, en l’absence de statistiques fiables, et vont de 500 000 à 2 millions depuis l’adhésion de la Pologne à l’UE en 2004. Certains secteurs semblent particulièrement touchés, qu’il s’agisse des professions de santé (infirmières, médecins, anesthésistes), des secteurs de la finance, de l’informatique mais aussi des ouvriers du bâtiment ou de la main d’œuvre agricole. Le différentiel de revenu constitue le principal motif de la migration, alors qu’un médecin dans le système hospitalier public gagne à peine 400 euros par mois.

Les autorités ont pris la mesure du phénomène et tentent d’en limiter l’ampleur en faisant elles-mêmes appel aux migrations, en réduisant les taxes et les coûts de l’emploi et en créant des mesures incitatives à la création des entreprises. L’un des moyens de limiter la fuite des cerveaux consiste en effet à inciter les entreprises étrangères à puiser dans le vivier de main d’œuvre locale bien formée et bon marché. IBM a ainsi créé, en 2005, un laboratoire de développement de logiciels à Varsovie pour bénéficier du vivier d’ingénieurs polonais. D’autres initiatives visent à atténuer les différentiels de revenu entre la Pologne et les pays d’accueil. Le syndicat britannique TUC et Solidarnosc ont ainsi coopéré pour informer les travailleurs polonais de leurs droits au Royaume Uni et limiter ainsi les effets d’aubaine pour les employeurs britanniques qui tentent de payer moins cher les travailleurs migrants.

Plus que le risque de dumping social dans les pays de la « vieille » Europe, ce sont les conséquences de la migration sur les économies en transition de l’Est qui semblent les plus préoccupantes : le départ de la main d’œuvre qualifiée et jeune risque d’handicaper le développement des secteurs technologiques, de mettre à mal le fonctionnement du système de santé mais aussi d’accélérer le vieillissement démographique. Last but not least, la modification de la structure par âge de la population du fait de la migration pourrait n’être pas étrangère à la poussée de l’extrême droite aux dernières élections législatives polonaises.

Cécile Jolly

Pour plus d’information sur la mobilité en Europe :

www.euractiv.com/[…]/article-160511

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