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Au coeur des affrontements entre syndicats, ONG et lobbies : un chercheur, Laurent Vogel.

publié le 2007-05-01

Les enjeux de la santé et de la sécurité au travail attisent les pouvoirs d’influence des lobbies et autres organisations. L’Institut syndical européen, expert pour la confédération européenne des syndicats, joue un rôle de premier plan.

 

Il aura fallu une décennie pour que Reach (Registration, Evaluation and Authorization of Chemicals), le règlement instaurant de nouvelles normes de sécurisation des produits chimiques mis sur le marché, voit le jour. Dix années durant lesquelles Laurent Vogel n’a cessé de s’affronter à la campagne de lobbying, sans précédent, des industriels de la chimie. Ce chercheur de l’Institut syndical européen , qui suit les questions de santé au travail pour la Confédération Européenne des Syndicats (CES), ne rate jamais une occasion de dénoncer l’importance des moyens déployés par ces industriels pour atténuer la portée de ce règlement : « La bataille a été d’autant plus rude qu’une partie des organisations syndicales de la chimie, très sensibles à l’argumentation patronale sur l’emploi, se sont ralliées à leur position. Le texte de compromis, finalement approuvé, est beaucoup moins ambitieux et relativement ambigu sur certains points. L’application de Reach, notamment sur l’autorisation de mise sur le marché de produits, va dans les années à venir réactiver les conflits et les batailles ».

Si l’industrie chimique est en embuscade, Laurent Vogel aussi. Le militantisme est une seconde nature pour ce Belge familiarisé depuis la jeunesse avec l’action sociale. Après ses études de droit à Bruxelles et à Nantes, il part au Salvador et rejoint une Organisation Non Gouvernementale dédiée aux Droits de l’Homme. Le régime militaire n’hésite pas à s’opposer violemment à leur combat. Les membres de l’ONG échappent de peu à un attentat et doivent fuir vers le Mexique. De retour en Europe, il travaille en Italie pour une association de parents d’enfants autistes. « A cette époque, le pays était engagé dans une expérience inédite d’insertion des personnes handicapées mentales en milieu ordinaire et dont les organisations syndicales étaient partie prenante ».

Stress, violence au travail et harcèlement

En 1990, il renoue avec la vie bruxelloise. Il est recruté par le le Bureau technique syndical européen pour la santé et la sécurité (bureau qui sera plus tard intégré à l’Institut syndical européen, European Trade Union Institute – Research, Education, Health and Safety) qui a été créé une année plus tôt par la CES. Laurent Vogel et ses collègues sont chargés d’assurer un suivi de l’élaboration, de la transposition et de la mise en oeuvre des législations européennes sur les questions de santé et de sécurité. Ils conseillent également les organisations syndicales avec qui ils travaillent en réseau sur tous les aspects de la santé et de la sécurité au travail.
« Nous sommes progressivement sortis d’une appproche centrée sur les seuls aspects de la réparation ou de la prévention pour nous intéresser, par exemple, à la façon dont s’élaborent les règles de production. Sur ce sujet, nous avons mené une enquête auprès de salariés de fabricants de meuble en Toscane sur les normes techniques des équipements de travail. Il est toujours frappant de constater le décalage entre la vision du travail prescrit par ceux qui conçoivent les systèmes de production et la réalité locale. D’autre part, l’élargissement des préoccupations au stress, à la violence au travail ou au harcèlement nous amènent également à interroger l’organisation du travail, ce qui pose la question du pouvoir et de la démocratie dans l’entreprise. Après un certain flottement dans les années 1990, le développement de la santé au travail est redevenu un thème majeur mais malheureusement pas toujours pour toutes les organisations syndicales »
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Frédéric Rey

 

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