par Thomas Schnee
Le conflit entre la Deutsche Bahn et le petit syndicat des conducteurs de locomotives (GDL) a suscité un fort intérêt et pas seulement à cause de cette interdiction momentanée de droit de grève. Ce syndicat catégoriel s’est démarqué des grandes organisations pour jouer sa propre carte. Cette évolution vers un corporatisme n’est d’ailleurs pas isolée.
Le conflit qui a opposé tout l’été la direction de la Deutsche Bahn (DB) au GDL, syndicat qui fédère 75 % des conducteurs de locomotives allemands, a été exceptionnellement médiatisé. A cela, plusieurs raisons. L’ordre de grève lancé par le GDL est intervenu au début des vacances estivales. Il promettait de plonger le pays dans le chaos, alors qu’aucun conflit social n’a jamais paralysé le réseau ferré allemand depuis 1945. Statuant en référé sur une plainte de la Deutsche Bahn, le Tribunal du Travail de Nüremberg a alors décidé d’interdire cette grève. Le fait est rarissime et a provoqué une levée de boucliers : « Les syndicats se défendront avec tous les moyens à leur disposition, contre tous ceux qui veulent limiter le droit de grève garantit par la Constitution », promettait Michael Sommer, président de la Confédération des syndicats allemands (DGB). Dans le même temps, les plus éminents spécialistes du droit du travail contestaient la décision.
Les conducteurs vont obtenir une convention collective spécifique
Finalement, le débat sur le droit de grève s’est rapidement éteint. L’ordonnance du tribunal a été annulée, après que la Deutsche Bahn et le GDL se soient accordés sur la nomination de deux médiateurs. Le GDL s’est engagé à ne pas lancer de grève jusqu’à la fin août. En échange, la direction de l’entreprise a accepté d’étudier la demande du GDL de négocier un accord collectif spécifique à ses adhérents. Il est vrai que jusqu’à présent, le petit GDL (34 000 adhérents), syndicat plus que centenaire, s’était toujours associé à Transnet et au Syndicat des fonctionnaires allemands du rail et affiliés (GDBA), les deux grands syndicats qui couvrent les 100 000 autres salariés de la Deutsche Bahn, pour négocier un accord collectif commun à tous les personnels. Fin août, les deux médiateurs ont annoncé que la Deutsche Bahn et le GDL se donnaient jusqu’au 27 septembre 2007 pour réussir. Et le GDL l’a emporté sur un point central : les conducteurs de locomotives, pour qui l’organisation demande des augmentations allant jusqu’à 31 % (conducteurs débutants), vont obtenir une convention collective spécifique. Les personnels roulants, eux, bénéficieront de l’accord négocié en juin dernier par Transnet et le GDBA (+ 4,5 % d’augmentation).
La force des grands syndicats faiblit pour les professionnels hautement qualifiés
Le combat du GDL est applaudi par d’autres petits syndicats, comme ceux des pilotes (Cockpit) ou des médecins hospitaliers (Marburger Bund) qui ont, eux aussi, obtenu des accords spécifiques après des grèves retentissantes : « la force intégrative des grands syndicats faiblit pour les groupes professionnels hautement qualifiés », estime Hans-Peter Müller, professeur d’économie et spécialiste des relations sociales. « Or, dans les grands syndicats, la négociation des accords salariaux correspond aussi à la recherche d’un équilibre entre les différentes professions représentées. Cependant, si une profession à la sensation d’être trop sollicitée, le vase peut déborder ce qui est la cas chez les conducteurs de locomotives », estime-t-il.
Au DGB, à l’IG Metall ou chez Verdi, on critique vertement ces mini-syndicats qui font le plein de nouveaux adhérents mais risquent de laminer l’unité syndicale. Ainsi Jürgen Peters, ex-patron de l’IG Metall, blâme leur manque de solidarité : « Quand les pilotes de cockpit font la grève, les intérêts des stewards leur importent peu, quand les médecins du Marburger Bund font la grève, ils se moquent des conditions de travail des infirmières et quand les conducteurs de locomotives du GDL font la grève, ils ignorent les agents d’entretien des voies ».
Thomas Schnee, à Berlin
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