par Manager sous X
Témoigner de manière anonyme me permet d’évoquer un phénomène qui me préoccupe de plus en plus : les difficultés pour les entreprises d’avoir des relations sociales constructives et dans la continuité avec les syndicats. Ce phénomène concerne en particulier la jeune génération.
Un interlocuteur syndiqué est crédible s’il possède trois qualités majeures : le sens du service collectif, le sens politique et la connaissance technique des dossiers. Ces qualités s’appuient sur le travail individuel et du temps personnel donné au service du collectif. Je précise qu’un « bon » syndicaliste n’est pas quelqu’un qui est toujours d’accord, mais une personne qui fait avancer les dossiers de manière positive. Je tire ces leçons du terrain, après de longues années d’expérience.
Or ces qualités manquent cruellement aujourd’hui. Il y a peu, j’ai reçu des délégués syndicaux. Huit personnes de la même organisation syndicale, huit positions différentes ! Quelle lisibilité peut-on avoir ? Les jeunes n’ont pas de formation militante, pas de sens politique. Les dossiers nécessitent des connaissances techniques et financières précises. Il faut de vrais experts. Or, je n’entends que des discours périphériques absorbants.
Attention, le constat est le même en face, coté employeur. Les formations en ressources humaines s’attachent actuellement à la gestion de carrière, au développement. Mais les nouveaux diplômés ne sont même plus capables de faire un bulletin de paie ou de mettre en place un système de prévoyance. Cette relève est formée pour diriger une élite, les « hauts potentiels ». Alors que ceux-ci ne représentent qu’un employé pour 1000 dans une grande entreprise.
L’origine de ce phénomène est avant tout socioculturelle. Le syndicat est devenu un lieu- refuge, plus qu’un lieu d’action et de service. Que ce soit dans la manière de gérer les dossiers, autant que dans le statut des syndicalistes, devenus intouchables. On cherche juste à être syndicaliste, non plus à servir. Côté patronal, les jeunes ne sont pas formés en sociologie et en histoire des syndicats. Paumés face aux syndicats, ils cherchent juste à les combattre. A les « tuer » même !
Changer les choses
Les solutions à apporter sont très claires. On peut changer en partie les choses, une partie seulement car on touche à un problème de société. Ce qui peut être amélioré, c’est d’abord la formation politique, il faut donner du sens et des valeurs à l’action de la nouvelle génération.
Plutôt dans le flou, les syndicats des salariés devraient offrir une vraie formation politique. Quant aux syndicats patronaux, que racontent-ils aux jeunes ? Disent-ils que le but d’une entreprise est de faire vivre des gens, de créer des richesses pour tous les salariés, et pour les actionnaires ? Je m’interroge.
Autre solution concrète, expliquer les enjeux techniques d’un dossier à tous. Pour ma part, j’organise des réunions préparatoires pour « briefer » les syndicalistes sur un dossier. C’est indispensable pour avoir un débat constructif et une bonne décision commune.
Cependant, une autre dimension existe. Elle relève de la société au sens large, et ne peut être changée par l’entreprise. Elle tient au système de valeurs personnelles de chacun. Or, l’individualisme est devenu la valeur fondamentale, au détriment de l’engagement et du collectif. Un exemple : l’engagement dans la durée au niveau local a disparu, remplacé par les « coups » humanitaires dans un cadre exotique.
Au final, je crois que nous sommes dans une période de transition, entre deux générations. La mienne, celle de mai 68, est aux commandes depuis 30 ans. La relève arrive. Nous pourrions penser que ce qui nous attend est moins bien. Non, ce sera différent ! Il ne faut pas projeter notre modèle sur celui qui vient. Cette relève n’a pas les mêmes manières de penser. Elle trouvera de nouveaux modes de régulation des relations sociales. La réinvention du syndicalisme, du management, et même de la politique, est en route. Je fais profondément confiance à ce monde qui vient et à ceux qui le feront vivre.
Mis en forme par Olivier de Pins
Laisser un commentaire