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Le management des entreprises en Suède est-il remis en cause par la crise ? Non, nous explique Ola Bergström, enseignant- chercheur à la Business School de l’université de Göteborg en Suède qui explique pourquoi la situation est toute autre.

 

université suède

Peut-on parler de crise du management en Suède ?

 

Non, pas particulièrement à l’exception de la question des bonus notamment chez Volvo. Sur ce point, le gouvernement suédois s’est fortement impliqué pour que l’Europe adopte des règles plus strictes. Mais un débat sur le style de leadership des entreprises, non ! Le PDG de SKF, une des entreprises suédoises les plus connues au monde, a récemment déclaré dans une interview que la leçon qu’il retenait de la crise c’était surtout la nécessité de communiquer clairement et d’être transparent.

Il faut dire que les tribulations de General Motors avec notre constructeur automobile Saab ont été l’exemple même d’une communication désastreuse. Dans les quatre derniers mois, GM a annoncé par trois fois la fermeture de Saab avant de dire que ce n’était pas si sûr ! Les syndicats comme la municipalité où est installée l’usine ont parlé de torture. Certes GM avait sans doute des raisons mais, pour nous, voilà l’exemple typique d’un management défaillant.

Certaines entreprises discutent aujourd’hui des critères de recrutement et d’évaluation des cadres supérieurs. Ainsi chez Telia Sonera, notre principal opérateur téléphonique, il y a eu un tel turn-over chez les cadres supérieurs que ceux-ci ne connaissent pas grand-chose de l’histoire de l’entreprise et de son organisation ; et ce sont les syndicats qui, de par leur stabilité, la leur enseignent. L’on parle aussi de l’intégration des managers étrangers, du fait du développement de la propriété du capital par des fonds étrangers; l’actuel PDG de Volvo n’est pas suédois mais visiblement il essaie de montrer qu’il adopte la voie suédoise.

 

Comment recrute-t-on les dirigeants d’entreprise en Suède et qu’enseigne-t-on dans vos écoles de commerce ?

 

Chez nous il y a une très forte tradition de recruter des cadres supérieurs qui ont une très bonne connaissance des métiers et de l’activité de l’entreprise. Il est difficile de devenir un dirigeant en Suède si vous n’êtes pas sensible aux salariés, au dialogue avec les syndicats. Il y a eu des exceptions mais qui en général ont peu duré ! La Suède ne connaît pas comme la France un système de grandes écoles. Tous nos dirigeants sortent des universités qui sont gratuites. Tout individu qui a un potentiel peut entrer à l’université. Bien sûr certaines universités – comme la Stokholm School of Economics – sont assez élitistes mais il n’en reste pas moins qu’elles font partie du système universitaire gratuit. Et le système français nous apparaît très discriminatoire.

En 2009, les écoles de commerce suédoises, qui font partie de l’université comme la mienne à Göteborg,  ont été blâmées par quelques articles de presse pour leur responsabilité dans la crise. L’un d’entre eux disait notamment que nous n’enseignions que la finance et les mathématiques. Mais notre doyen a montré combien notre enseignement était très loin de cette affirmation. Chez nous l’éthique du business est très développée, non pas comme une matière en elle même mais comme une ligne directrice de tous nos enseignements, y compris les plus techniques. Et cela n’a rien à voir avec la crise, nous le pratiquons depuis des années. En outre, notre université enseigne la gestion des restructurations. Autrement comment préparer les dirigeants à ces décisions ? La question du type de valeurs que vous voulez reproduire dans la société est cruciale.

 

C’est quoi manager en Suède ?

 

Nous avons la tradition d’un certain culte des héros d’entreprises qu’il s’agisse des PDG de SAS ou de ABB, champions de la responsabilité sociale, de Peer Gyllenhamar, l’ancien PDG de Volvo connu pour son attachement au bien-être des salariés et à des organisations du travail innovantes. Il faut dire que nous employons de moins en moins le vocable de management ou de manager. Pour nous c’est dépassé, ce qu’il faut c’est savoir développer le leadership et non pas manager, c’est-à-dire surveiller, contrôler. Car c’est comme ça que l’on peut mobiliser les salariés. Une des raisons de la fusion avortée de Volvo avec Renault est d’ailleurs largement liée à cette différence dans la conception du dirigeant: pour un Suédois, on envoie à une réunion la personne qui connaît le sujet, quel que soit son niveau hiérarchique ; les Français eux envoyaient toujours « le chef », qui ne possédait pas toujours très bien son dossier, tout en étant très choqués de ce que leur interlocuteur suédois ne soit pas toujours de « leur niveau »…..

 

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