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indignes

La jeunesse espagnole bouge et s’inspire à la fois de l’«Indignez-vous » de Stéphane Hessel et des révolutions du printemps arabe. Qu’y a-t-il de commun entre les jeunes Tunisiens ou Egyptiens qui n’ont connu que des régimes autoritaires et les jeunes Espagnols qui profitent de la démocratie ? Une crise économique qu’ils subissent plus que leur aînés, une absence de futur, un profond sentiment d’injustice, un rejet de ceux qui occupent le pouvoir ou qui en tirent des profits scandaleux, un refus de la corruption.

 

Un chiffre, effarant, 43% des jeunes espagnols de moins de 25 ans sont au chômage, le chiffre est de 20% pour l’ensemble de la population. Un malaise social considérable, une situation économique dramatique, la crise de l’Euro en embuscade et la sphère financière plus cupide que jamais.

 

Ce mouvement a pris naissance sur les réseaux sociaux. Il occupe à Madrid la place de la Puerta del Sol depuis le 15 mai, d’où son nom « Movimiento 15-M » et il s’est répandu dans une soixantaine de villes. C’est pour le moment l’expression indignée d’une génération sacrifiée, « sans toit, sans travail, sans pension, sans peur ». Pas de revendications précises, et si certains partis politiques ou syndicats soutiennent le mouvement ou tentent de le récupérer, le Parti Populaire (PP) tente d’expliquer qu’il s’agit d’une contestation du gouvernement Zapatero, Movimiento 15- M est d’abord une expression spontanée et indépendante des organisations politiques ou syndicales.

 

Dans son manifeste, la plateforme Democracia Real Ya revendique le fait d’être constituée par des gens ordinaires, de tous horizons. A l’aube des élections locales et régionales qui hier, 22 mai, infligeaient une défaire cuisante au socialistes, le mouvement demandait plus de démocratie car il estime n’être « ni entendu, ni représenté ». Le bipartisme (PSOE et PP) dans un pays aux profondes inégalités sociales, limite dangereusement les marges de manœuvre des citoyens estime « El Pais », d’où l’idée qui se répand d’une démocratie confisquée. Spontanéité, espoir de changement, indignation caractérisent actuellement le mouvement.

 

« El Pais » rapporté par Courrier International s’interroge sur l’avenir de ces protestations.« Une fois le malaise devenu indignation, le plus difficile reste à faire : transformer cette émotion en action politique. Certains prétendent que c’est impossible, qu’indignation et politique ne font pas bon ménage et que l’indignation n’engendre que de la frustration. L’histoire fourmille pourtant d’exemples qui affirment le contraire : où en serait le mouvement des droits civiques des Africains-Américains sans les mobilisations des années 1960 ? Que se serait-il passé dans les républiques soviétiques sans cette indignation qui poussa tant de personnes à descendre dans la rue ? Ou, sans aller si loin, rappelons que, sans les manifestations populaires, les troupes espagnoles seraient encore en Irak. L’indignation est souvent le pas préalable à un changement ou à une transformation en politique. Nous l’avons vu récemment dans les pays arabes : si l’avenir de ces révoltes est encore incertain, l’on ne peut pas nier que l’indignation ait eu des conséquences politiques. »

 

Les élections ayant rendu leur verdict, la révolte des jeunes va-t-elle se poursuivre et sous quelle forme ? Va-t-elle faire tache d’huile au Portugal où l’on appelle « la génération des 500 euros » les 30% de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur payés au salaire minimum ? En Grèce où un phénomène identique se développe et où l’on parle de la « génération des 700 euros » ? Ou ailleurs encore en Europe où de nombreuses manifestations accompagnent les plans de rigueur mis en place par les gouvernements ? Les jeunes indignés espagnols ont reconduit hier l’occupation de la Place de la Puerta del sol qu’ils ont rebaptisée place Tahrir comme l’avaient fait les étudiants anglais à Trafalgar square. La crise n’en finit pas de faire des dégâts. Standard and Poor’s abaisse ce matin la note perspective de l’Italie, troisième économie de la zone euro et jusqu’alors relativement à l’abri. Un pays fragilisé de plus.

 

 

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