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Depuis quelques jours, c’est la directive relative à la protection des travailleurs temporaires qui prend du plomb dans l’aile. Cette directive a pour objectif d’assurer l’égalité de traitement entre travailleurs intérimaires et salariés permanents. Son élaboration avait pris du temps, mais les 27 ministres du travail et de l’emploi avaient fini par se mettre d’accord en 2008, en acceptant au passage la demande britannique consistant à instaurer une période de dérogation de 12 semaines. Une souplesse raisonnable ou un ver dans le fruit ?

 

agency worker

Au début du mois, le Daily Telegraph titrait « David Cameron tente d’édulcorer les nouvelles lois européennes sur l’emploi ». C’est le 1er octobre que la directive transposée doit s’appliquer en Grande Bretagne or, elle pourrait coûter plus de 1,5 milliard de livres par an. 1,3 million de salariés sont concernés. Pour certains, les contrats sont abrégés afin d’éviter de leur accorder de nouveaux droits, d’autres pourraient pâtir de la délocalisation de leurs activités, notamment dans le secteur des nouvelles technologies. Les conseillers du premier ministre se demandent s’il ne faudrait pas revoir certaines dispositions de la loi transposée ou tout simplement refuser de la mettre en œuvre, mais cette option pourrait coûter très cher. Un accord entre employeurs et syndicats pourrait permettre de trouver une issue légale au problème mais pour le moment aucun accord n’a été trouvé.

 

En Irlande, le ministre de l’entreprise propose de porter la dérogation à 6 mois. Les employeurs auraient ainsi le droit de payer les intérimaires à des salaires inférieurs aux salariés permanents et à ne pas les faire bénéficier des mêmes conditions de travail. Les syndicats ont immédiatement fait savoir leur désaccord. « Ce n’est qu’un délai avant une mise en œuvre effective de la directive » répond le gouvernement.
2% de la main d’œuvre irlandaise est concernée. La transposition intervient le 5 décembre et ne prévoit aucune période de dérogation, elle sera d’application immédiate. Le ministre de l’entreprise a fait savoir aux partenaires sociaux qu’il allait s’employer à obtenir une dérogation de Bruxelles, mais cette dérogation n’est possible si le gouvernement obtient un accord entre employeurs et syndicats. Sans elle, « L’Irlande subira un désavantage compétitif au regard des pratiques britanniques et de quelques autres pays européens » dit le ministre de l’entreprise.

 

Alors quoi ? Application identique dans tous les Etats membres pour éviter le dumping social ou plus de flexibilité pour certains au détriment des autres ? Difficile de réclamer les deux à la fois !

 

Chacun pour soi et l’Europe pour tous ou plutôt pour les autres. On ne manque pas d’exemples en tous genres ces derniers mois, l’urgence, la panique, les prochaines élections… font oublier les principes qui ont conduit à développer un droit européen applicable à tous ses membres. Les lois sociales n’échappent pas à la tendance du moment, comment les détricoter pour retrouver des marges, des marges essentiellement financières bien sûr. Certes les Anglo-saxons ont toujours fait part de leurs plus extrêmes réserves sur ces directives sociales contraignantes et régulatrices. L’opt out, ou l’exception pour soi qui confirme la règle pour les autres, est une de leur invention. Mais lorsque les exceptions gagnent du terrain, la loi commune devient au mieux une base de discussion, à moins que le juge, saisi par des mécontents, n’intervienne et ne fabrique à son tour du droit. La Cour européenne devient ainsi la nouvelle source de droit social européen, il faut le savoir, ce n’est plus vraiment la Commission, le Conseil ou le parlement. On y reviendra.

 

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