Fin 2008, Metis avait publié plusieurs articles sur la délocalisation de Nokia, fermant ses usines de Bochum en Allemagne pour en ouvrir d’autres en Roumanie. A l’époque, des syndicalistes roumains nous avaient parlé de leur solidarité avec leurs collègues allemands, car ce qui se passait outre Rhin pouvait, pensaient-ils, leur arriver un jour. Ils ne se doutaient pas combien leur prémonition était juste ni à quelle vitesse elle allait se réaliser ! En effet, trois ans après son installation, Nokia vient d’annoncer la fermeture de son usine roumaine au profit de délocalisations en Asie. Liviu Apostoiu, vice président de la principale confédération roumaine Cartel Alfa réagit aux derniers développements.
Comment réagissez-vous à l’annonce par Nokia de la fermeture de son usine roumaine ?
Le choc est terrible : avec 2 200 licenciements annoncés, c’est toute une région qui est touchée. Nokia employait souvent plusieurs personnes de la même famille. C’est aussi une surprise totale : certes ils avaient annoncé au début de l’année un ralentissement de la production et avaient déjà supprimé 175 emplois. Mais personne ne se doutait qu’ils allaient fermer l’usine purement et simplement. Les conséquences sont multiples : pour les travailleurs qui vont se retrouver au chômage sans aucune solution de remplacement, pour leurs familles, pour la région et aussi pour le pays. Nokia est le second exportateur du pays, après Dacia-Renault- et représente à lui seul 1% de notre PIB, ce qui est énorme. Et nous nous demandons si d’autres entreprises multinationales ne vont pas s’inspirer de cet exemple.
Y a-t-il eu des négociations et si oui quel en est le résultat ?
Sur la décision de partir, rien ! Nokia a annoncé que les salariés seraient payés jusqu’au 1er décembre, date annoncée pour la fermeture de l’usine, et qu’après cette date, ils recevraient encore 3 mois de salaire. Mais vous savez, sur la base d’un salaire mensuel de 150 € qui est en moyenne ce que reçoivent 80% des salariés, cela fait peu. Et puis, on est très loin de ce qu’a fait Nokia lors de la fermeture de Bochum : sans aller jusqu’aux 200 millions d’euros dont ont bénéficié les travailleurs allemands, nous réclamons au moins une année de salaire par travailleur. En outre, nous exigeons de vrais efforts de reclassement et des fonds qui permettent d’attirer de nouvelles activités. Sans parler de la certification des compétences : Nokia a formé des travailleurs, sans certifier les compétences acquises : résultat, elles ne sont pas reconnues à l’extérieur.
Voyez-vous jouer une solidarité syndicale européenne en votre faveur et quel est le rôle du comité d’entreprise européen ?
Sur le rôle du CE européen, je n’en sais rien. Il faut dire que depuis le début il a joué un rôle plus que léger. Et puis pour les Roumains, la direction y a placé un représentant du syndicat jaune qu’elle avait monté au départ. Par contre la Fédération Européenne des métallurgistes a lancé un appel à ses affiliés pour qu’ils nous soutiennent. Et le président de notre fédération nationale est actuellement au congrès de l’IG Metall : j’espère qu’il ne reviendra pas les mains vides.
Du côté des autorités locales et du gouvernement que se passe-t-il ?
Nous avons demandé aux autorités locales ce qu’allaient devenir leurs dons – un très grand terrain mis à disposition gratuitement de Nokia – et tout ce qu’elles ont dépensé en termes d’infrastructures, soit environ 60 millions d’euros. Nous ne savons même pas s’ils ont prévu des choses en cas de départ précipité de l’entreprise. Quant au gouvernement, il a déclaré avoir été mis au courant des intentions de Nokia mais force est de constater qu’il n’a rien fait. Il nous dit maintenant que plusieurs multinationales pourraient été intéressées à venir dans la région délaissée par Nokia mais nous sommes très sceptiques !
Retour sur les articles de Metis consacrés à Nokia
– 200 millions pour fermer l’usine de Bochum
– La délocalisation des Nokia vue de Roumanie
– Nokia et le supercapitalisme
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