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Internationalisation du syndicalisme américain

publié le 2012-05-11

Face à une mondialisation qui tend à en fragiliser les positions, des syndicats américains se lancent dans une stratégie de coopération internationale qui vise particulièrement l’Amérique Latine. Tout en ayant enregistré quelques succès, celle-ci doit faire face au poids d’une tradition mouvementée et à la persistance d’ambiguïtés qui en minent les chances de succès.

 

another world

En mars 2012, un escadron de la mort menace de représailles des syndicalistes colombiens travaillant dans l’huile de palme. Ceux-ci décident alors de se tourner vers le « Solidarity Center » de l’AFL-CIO. Cet organisme est chargé de la coopération internationale pour le compte du premier syndicat américain. Grace à un lobbying efficace, le Gouvernement colombien vient d’accepter d’envoyer des gardes du corps pour protéger les militants menacés.

 

Au Mexique, le puissant syndicat de l’acier américain, United Steel Workers, a quant à lui aidé des travailleurs à s’organiser en-dehors de l’influence traditionnelle des autorités politiques. En retour, des métallos mexicains ont organisé des arrêts de travail en soutien à des grèves menées par l’USW aux États-Unis.

 

Rupture avec une tradition de domination?

Ces exemples, parmi d’autres, témoigneraient d’une stratégie de coopération internationale qui irait en s’accroissant aux États-Unis. Si la tendance s’avère, elle viendrait rompre avec une tradition de méfiance réciproque bien ancrée entre syndicats américains et latinos. En cause, la tendance historique des grandes centrales américaines à privilégier la domination à la solidarité. Le fondateur de l’AFL, Samuel Gompers, était d’ailleurs un raciste notoire. Et nul n’a oublié le rôle joué par son organisation durant les heures sombres de la guerre froide.

 

Mais les choses auraient changé depuis 1995. Les principaux dirigeants de cette époque ont d’abord été évincés par une base en colère et remplacés par une nouvelle génération moins idéologisée. Et puis l’accélération d’une mondialisation trop souvent synonyme de nivellement par le bas a forcé à revoir les priorités. D’où la conviction croissante que seule une amélioration globale des conditions de travail pourrait protéger les travailleurs américains du dumping social. Comme l’explique un représentant de l’USW, « c’est de la solidarité, mais fermement inscrite dans une plateforme d’intérêts réciproques ».

 

Les ambiguïtés perdurent

Après tout l’idée n’est pas neuve. C’est déjà la logique à l’œuvre derrière les conventions sectorielles nationales. Celles-ci évitent que les différentes régions du pays ne se concurrencent sur le dos des travailleurs. Il s’agirait donc d’appliquer le même raisonnement à l’échelle mondiale, sachant toutefois que les différences législatives et culturelles continuent de freiner l’apparition de véritables syndicats globaux.

 

En outre, certains syndicats américains n’ont pas encore rompu avec toutes leurs ambiguïtés. La grande majorité du budget des « Solidarity Center » de l’AFL-CIO continue ainsi de provenir d’agences gouvernementales comme l’USAID ou le National Endowement for Democracy. Des agences récemment impliquées dans des actions de déstabilisation des gouvernements élus du Venezuela et du Nicaragua… 

 

Ci-dessous l’article original en anglais :

John Otis : American unions stand up for Latin American workers

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