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Mexique : réforme du travail et démocratie syndicale

publié le 2012-11-05

Fraichement élu et sans qu’il ait encore pris ses fonctions, le nouveau président du Mexique, Enrique Pena Nieto de centre-gauche du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), doit déjà affronter un défi politique de taille : négocier la réforme du travail proposée par son prédécesseur de centre-droit Felipe Calderon du Parti Action Nationale (PAN).

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Avec un taux de chômage officiel de 5,2%, mais surtout près de 13 millions de travailleurs dans le secteur informel (soit 29% de la population active) et 30 autres millions qui ne bénéficient pas de la sécurité sociale, il est difficile de nier que la situation de l’emploi pose problème au Mexique. Mais au-delà du constat, les causes – et donc les solutions – à apporter au problème font l’objet d’interprétations diverses.

Pour le président sortant Felipe Calderon (PAN), la faute en incombe aux rigidités d’une législation sociale désormais désuète. C’est pourquoi il vient de proposer, à quelques semaines de la fin de son mandat, une vaste réforme qui suscite bien des réactions. « Flexibiliser le marché du travail », voilà l’objectif affiché des plus de 500 modifications proposées, allant de la diminution des indemnités de licenciement au passage d’une base de calcul salariale mensuelle à une base horaire, en passant par un encadrement plus strict du droit de grève. Tout ceci afin d’augmenter la productivité du travail et donc, in fine, la croissance et l’emploi.
Un raisonnement très « patronal » qui n’est pas du goût de tout le monde, si l’on en juge par les manifestations qui se multiplient dans plusieurs grandes villes du pays depuis quelques semaines.

Un texte « inconstitutionnel »
Pour Oscar Alzaga, l’un des opposants au projet, ce type de réforme consiste à créer des emplois précaires, sous-payés et instables. « On le voit partout où la mesure a été essayée. En Espagne, entre 1994 et 1996, l’emploi précaire a augmenté de 12 à 36%. En Argentine, en 1992, il y avait 70% d’emplois permanents et 30% de temporaires ; avec la réforme de Menem, en 2 ans les chiffres étaient inversés. Et on peut multiplier les exemples (Colombie, Venezuela, etc.) ».
Par ailleurs, les syndicats et l’opposition de gauche dénoncent l’inconstitutionnalité supposée du projet, tout en affirmant qu’il viole plusieurs des engagements internationaux du Mexique auprès de l’OIT (respect du droit de grève, liberté syndicale).

Un PRI entre deux feux
Néanmoins les dispositions qui posent le plus problème au niveau parlementaire concernent, paradoxalement, un point sur lequel la majorité des Mexicains semblent plutôt d’accord : le manque de transparence et de démocratie dans le fonctionnement interne des syndicats.

Héritiers d’un corporatisme consolidé durant les 70 ans de règne autoritaire du PRI (1930-2000), les principaux syndicats du pays, à commencer par la puissante Confédération Mexicaine du Travail (CMT), voient en effet d’un très mauvais œil cette incursion dans leur pré carré. Or, leur influence politique demeure considérable, surtout au sein du PRI. Ainsi, lorsque Felipe Calderon propose sa réforme le premier septembre dernier, tous les regards se tournent vers le futur président Nieto, issu du PRI. Celui-ci ne tarde pas à confirmer les liens qui continuent d’unir son parti au monde syndical, puisque le projet finalement accepté par la chambre basse (à majorité PRI) fait fi des dispositions concernant la démocratisation et la transparence des syndicats. Une situation qui pousse un observateur à affirmer que les travailleurs mexicains se retrouvent ainsi avec « le pire des deux mondes »…

Retour à la case départ
Mais la saga ne s’arrête pas là. Le projet de loi doit ensuite passer le stade du Sénat où le PRI ne dispose cette fois pas de la majorité. Le texte qui émerge des débats le 23 octobre voit donc réapparaître les mesures controversées concernant les syndicats ! Forçant ainsi son retour devant la Chambre basse, jusqu’à ce que les deux instances parlementaires se mettent d’accord sur une version finale.

Entre une opposition de gauche intransigeante et un PAN qui veut le forcer à assumer son discours réformateur, le PRI semble naviguer à vue. Il n’est pas certain que les travailleurs mexicains en sortent gagnants.

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