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danielle kaisergruber

Il y a toujours en septembre un effet rentrée : rentrée des classes, rentrée littéraire, rentrée sociale (= le plus souvent une grève des enseignants), rentrée politique… L’année avait été difficile, l’été ne le fut pas moins. Attentats terribles en France, mais aussi, il ne jamais l’oublier, en Allemagne, en Turquie, en Thaïlande, en Afghanistan… Transformation des conflits imbriqués du Moyen-Orient en une véritable « guerre mondiale » qui engage presque toutes les grandes puissances mondiales sur cinq ou six pays.

Les rentrées sont souvent un moment riche de résolutions nouvelles, de promesses, et d’attentes aussi. Mais cette année serait plutôt marquée par le scepticisme ambiant et le fait de ne rien attendre. La perspective des élections présidentielles en France et la litanie des préliminaires primaires (en plusieurs sens) transforment plus encore que de coutume la politique en spectacle dûment alimenté en promesses irréfléchies et en surenchères identitaires. C’est la « Star Academy » ou « Koh Lanta » selon qu’on veut, ou selon le physique et le mental des acteurs.

On ne peut s’empêcher de repenser au rendez-vous manqué après 1981 : la gauche unie au pouvoir (enfin) avec François Mitterrand et tous ces jeunes qui eux aussi ont marché. Marché, mais collectivement, ensemble, enthousiastes, forts de leur désir d’être entendus, reconnus à la fois dans leur identité française et dans leurs différences. Ils ne l’ont pas été et la « Marche des Beurs » (1983) de Marseille, de Lyon, de Bordeaux jusqu’ à Paris n’a été que l’occasion d’une éphémère prise de conscience vite détournée en recherche d’alliances politiciennes. Les problèmes posés à l’époque sont toujours devant nous. On peut aussi repenser au bel enthousiasme qui avait saisi les jeunes, ceux que l’on appelle les jeunes des banlieues, au moment de la candidature improbable et sans doute un peu improvisée de Ségolène Royal : nombre de ces jeunes étaient allés s’inscrire sur les listes électorales et l’analyse des résultats (qui n’ont pas permis l’élection de la candidate…) a montré qu’il y avait eu un vrai vote populaire en 2008.

 

Il est à craindre que rien de tel ne se produise ni en cette rentrée ni en 2017 : la méfiance, l’incrédulité face à tout type de promesses (puisque de toutes les façons elles ne seront pas tenues), les replis communautaire ou nationaliste bravaches sont au rendez-vous. Fossés entre les uns et les autres. Situation tendue dans laquelle n’importe quel sujet de vie quotidienne peut devenir hypersensible et par rapport à laquelle certains politiques (hélas de tous bords) se comportent de manière totalement irresponsable.

Les besoins que l’on peut ressentir en cette rentrée : besoin de calme, d’écoute, de clarifications fermes, mais respectueuses et surtout non stigmatisantes. Besoin d’idées nouvelles aussi, et cela vaut pour l’Europe si mal en point. Metis a commencé en juin une exploration du sujet « revenu universel » et va l’approfondir, continuer à tisser les liens entre cette vieille idée neuve, qui tient à la fois de l’utopie sociale et du couteau suisse technocratique, et les nécessaires réformes de notre Etat social. En regardant du côté de la Finlande, des Pays-Bas (Utrecht), du Japon, de l’Inde et bien sûr de la France – l’expérimentation du « revenu contributif » dans l’intercommunalité du 93 « Plaine Commune » -, où c’est aussi un formidable révélateur des capacités de résilience et d’innovation des territoires et des sociétés locales. En prenant aussi le revenu universel ou revenu d’existence comme une réponse possible au développement de nouvelles formes de travail, d’alternance travail-non travail, de choix de modes de fonctionnement autres que le salariat et des nombreuses initiatives que nous avons décrites et analysées ces derniers temps. Et il y en aura d’autres !

Un trait lumineux : plusieurs études expérimentales américaines et allemandes de sciences cognitives ont montré que les lecteurs de fictions, récits, nouvelles et romans, font preuve de beaucoup plus d’empathie, d’attention à l’Autre et de tolérance que ceux qui ne lisent pas. (Voir Le Monde, 20 juillet 2016).

Alors, chers amis de Metis qui avaient été nombreux à lire ou relire les textes de Zola, d’Orwell et de Balzac, dans lesquels le personnage principal est le travail, continuez de lire, et de nous lire !

 

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.