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Nous sortons d’une campagne électorale qui a opposé, à droite ceux qui s’affrontaient sur la base du nombre d’emplois de fonctionnaires à supprimer et à gauche les partisans de l’Etat providence en termes de création d’emplois publics. Dans les deux cas, les « mieux-disants » l’ont emporté dans leur primaire respective. Mais cela ne leur a pas réussi dans la confrontation réelle, celle du premier tour de cette élection présidentielle. Peut-être les électeurs ont-ils perçu que le nombre d’emplois ne faisait rien à l’affaire, alors que les candidats se sont tenus à l’écart de la vraie question : le travail des fonctionnaires.

 

fonctionnaires

Image : Flickr

 

Cet article repose essentiellement sur les données issues de l’enquête Conditions de travail administrée par la Dares (ministère du Travail) depuis 1978. Elles sont renouvelées tous les sept ans : 1984, 1991, 1998, 2005 et enfin 2013. Sauf mention contraire, les chiffres mentionnés portent donc sur l’année 2013, issus de la sixième édition de l’enquête. Cette dernière édition, réalisée par la Dares, la Drees, la DGAFP et l’Insee, se fonde sur des entretiens réalisés en « face à face » auprès d’un échantillon d’environ 34 000 personnes. Comme les précédentes éditions, les données reposent sur la connaissance du travail par ceux qui l’exécutent : les enquêtes Conditions de travail visent à cerner au plus près le travail tel qu’il est perçu par le travailleur, et non pas le travail prescrit tel qu’il peut être décrit par l’entreprise ou l’employeur.

 

Pour la première fois en 2013, l’enquête intègre une surreprésentation des agents des trois versants de la fonction publique (d’État, territoriale, hospitalière) et du secteur hospitalier privé, c’est-à-dire un échantillon augmenté de manière à pouvoir élaborer des analyses fines, notamment par versant de la fonction publique, et des comparaisons détaillées, en particulier entre versants de la fonction publique et secteurs du privé. C’est cette possibilité nouvelle que nous mettons à profit dans cet article. Ajoutons que sauf mention contraire, nous utilisons les chiffres de l’emploi public, qui « déborde » de la définition stricto sensu des fonctionnaires, puisque 70 % des agents publics (5,4 millions d’agents publics fin 2014, soit 20 % de l’emploi total) ont ce statut, aux côtés des militaires (6 %), des contrats aidés (3 %) et surtout des contractuels (17 % ; soit + 3 points en dix ans) qui disposent d’un contrat de droit privé (CDD ou CDI).

 

Ces données issues de l’enquête Conditions de travail permettent de mieux apprécier les contours, les caractéristiques, les difficultés et les satisfactions du travail des agents publics, et par conséquent, de déconstruire quelques idées reçues, qui ont la vie dure dans notre pays… surtout en temps de campagne électorale !

 

1 – Les effectifs de fonctionnaires sont pléthoriques en France
Pour les hérauts de la tyrannie de l’emploi public, seul le nombre d’emplois compte ; il est inutile d’examiner ce qui fait les missions des agents publics, leur travail. A droite d’un certain méridien sociologique, les candidats ne se sont pas privés de dénoncer l’augmentation des emplois publics (220 000 agents de plus entre 2004 et 2014) en soulignant que la France n’en est pas pour autant « mieux administrée », mais en occultant le fait que dans la même période, la population française a également progressé (de 3,8 millions), et donc également le nombre de personnes à éduquer, à soigner, etc. Ramené à la population, le « taux d’encadrement public » est stable sur longue période.

 

Qu’en est-il lorsque l’on compare ce sacro-saint nombre d’emplois publics à nos voisins des pays dits « développés » ? L’excellent dossier « Trop de fonctionnaires ? » publié par le mensuel Alternatives Economiques (février 2017) apporte des réponses précises. Ramené à la population, l’emploi public en France (86 pour 1 000 habitants) se situe dans la « moyenne haute » des pays de l’OCDE, loin derrière les pays nordiques, mais à un niveau beaucoup plus élevé que l’Allemagne par exemple (60). Mais la comparaison souffre de l’hétérogénéité de la définition des contours du secteur public, contingent aux traditions politiques et aux modèles sociaux.

 

C’est pourquoi l’OFCE (Xavier Timbeau) préfère utiliser une approche fonctionnelle en comparant le nombre de personnes offrant des emplois non marchands (santé, éducation et administrations). Dans ce cas, la France se situe toujours loin derrière les pays nordiques, mais aussi au même niveau que les autres grands pays industrialisés (juste derrière l’Allemagne, mais juste devant la Grande-Bretagne) et même derrière les Etats-Unis. Encore une preuve de la nécessité de ne pas se contenter des statuts et d’aller questionner les missions, le travail. Ce que les candidats se sont refusés à faire, eux qui préfèrent lancer des chiffres d’emplois plutôt que de s’interroger sur le périmètre pertinent de la fonction publique ou sur les équilibres entre moyens et missions à réaliser selon les fonctions et les métiers.

 

2 – Les fonctionnaires ne se fatiguent pas…
L’absence de pénibilité physique serait une caractéristique essentielle de la fonction publique. Voyons ce qu’il en est. La fonction publique hospitalière est avec l’agriculture et la construction, l’un des trois secteurs dans lesquels les contraintes physiques dans le travail sont les plus présentes. Dans ces mêmes secteurs, ainsi que dans l’industrie manufacturière, les salariés indiquent plus souvent que la moyenne être exposés à des produits chimiques. L’intensité du travail apparaît relativement élevée dans la fonction publique hospitalière, l’industrie, le commerce et les transports.

 

Si l’on examine la proportion des salariés qui signalent au moins trois contraintes physiques dans leur travail (parmi les contraintes les plus fréquentes comme rester longtemps debout ou dans une posture pénible, effectuer des déplacements à pied longs ou fréquents, devoir porter ou déplacer des charges lourdes, subir des secousses ou des vibrations, être exposé à un bruit intense, etc.), la fonction publique hospitalière (FPH) apparaît comme plus exposée que le secteur privé (53 % contre 35 %), alors que la fonction publique territoriale (FPT) fait jeu égal (35 %) et que la fonction publique de l’État (FPE) apparaît comme mieux préservée (20 %). Bien sûr, cela reflète en partie la composition socio-professionnelle différente de chacun des trois versants de la fonction publique : la FPT et la FPH comportent beaucoup plus de « travaux d’exécution » (ouvriers d’entretien dans les communes, employés de service dans les hôpitaux, etc.) que la FPE où les cadres A sont plus fortement représentés.

 

L’intensification du travail entre 2005 et 2013 est généralement plus marquée dans la fonction publique que dans le secteur privé (incluant les entreprises publiques). La part de salariés exposés à au moins trois contraintes de rythme a davantage progressé entre 2005 et 2013 dans la fonction publique, où elle passe de 21 % à 29 % (+ 8 points), que dans le secteur privé (+3 points, de 34 % à 37 %). Cette progression est principalement portée par les agents de la fonction publique de l’État (18 % en 2005, 26 % en 2013) et de la fonction publique territoriale (18 % et 25 %), dont les niveaux d’exposition restent toutefois inférieurs à ceux de la fonction publique hospitalière et du secteur privé (respectivement 41 % et 37 %). Se sont particulièrement accrues les contraintes liées à une dépendance immédiate vis-à-vis du travail de collègues, à des normes de production ou délais à respecter en peu de temps ou à des demandes extérieures obligeant à une réponse immédiate.

 

Un examen des différences de perceptions entre les salariés du privé et les agents publics montre que la plus prononcée réside dans la contrainte de rythme : 46 % des agents de la FPH signalent ne pas pouvoir interrompre momentanément leur travail quand ils le souhaitent contre 44 % dans la FPE, 30 % dans la FPT, des niveaux que l’on peut comparer au secteur privé : 28 %.

 

3 – Fonctionnaire ? Un job de tout repos…
Voyons maintenant ce qu’il en est de la supposée absence de pénibilité psychologique. Les horaires atypiques sont plus répandus dans le commerce, les transports et la fonction publique hospitalière, ce qui rend plus difficile la conciliation vie professionnelle / vie personnelle dans ces secteurs. Les contraintes horaires sont plus importantes dans le public : les astreintes concernent 16 % des fonctionnaires, une proportion double de celle que connaissent les salariés du privé.

 

En 2013, quelques années avant la loi Macron, on constatait que 70 % des agents hospitaliers travaillent le samedi, même occasionnellement et 64 % le dimanche, alors que les horaires atypiques ne concernent que 48 % de l’ensemble des salariés du privé pour le samedi et 26 % pour le dimanche. Les deux autres versants de la fonction publique sont également (mais plus légèrement) davantage concernés par le travail le dimanche que leurs collègues du privé (29 % pour la FPE et 30 % pour la FPT). Le travail de nuit, qui concerne 15 % des salariés du privé, est également fortement pratiqué dans la FPH (32 %).

 

Le soutien social, l’un des facteurs les plus protecteurs vis-à-vis des risques psychosociaux (RPS), s’exprime différemment entre privé et public : les agents de la fonction publique sont davantage aidés par leurs collègues, et les salariés du privé par leur hiérarchie. En effet, seuls 61 % des agents publics (et même 58 % dans la FPE) déclarent être aidés par leurs supérieurs hiérarchiques en cas de travail délicat ou compliqué, contre 67 % des salariés du privé. Les exigences émotionnelles liées au contact avec le public sont plus souvent citées par les agents de la fonction publique. Ainsi, 43 % des agents publics (contre 27 % seulement dans le privé) déclarent vivre des situations de tensions dans les rapports avec le public, dont 46 % dans la FPE et 51 % dans la FPH. De même, 67 % des agents publics (contre 38 % seulement dans le privé) sont en contact avec des personnes en situation de détresse (dont 85 % dans la FPH).

 

La qualité de la relation avec les clients ou usagers est un autre facteur déterminant. Secteurs public et privé confondus, les trois quarts des salariés travaillent en contact avec le public. Mais de façon prévisible, le contact avec le public est plus fréquent dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale, ainsi que dans le secteur tertiaire (à l’inverse, les salariés de l’agriculture et de l’industrie sont moins concernés, comme la FPE). Les travailleurs des fonctions publiques sont ainsi plus exposés aux relations conflictuelles avec les clients et usagers. De façon plus générale, 22 % des salariés (secteurs public et privé confondus) déclarent subir de façon répétée un comportement hostile durant le travail, qu’il s’agisse d’un comportement méprisant (par exemple « on me ridiculise en public »), d’un déni de reconnaissance du travail (« on critique injustement mon travail ») ou d’une atteinte dégradante (« on me dit des choses obscènes ou dégradantes »). Ces comportements sont plus souvent signalés dans l’industrie (24 %) et surtout dans les trois versants de la fonction publique (24 % à 26 %). Une autre spécificité en matière d’exposition aux RPS, liée au mode de management public fondé sur une conception dépassée du rapport hiérarchique : les agents de la fonction publique estiment plus souvent (30 %) que ceux du privé (23 %) que les « personnes qui évaluent leur travail ne le connaissent pas bien ».

 

A l’inverse, les agents publics sont relativement protégés par le sentiment d’utilité sociale de leur travail. L’étude Les palmarès du bonheur professionnel menée par Viavoice en octobre 2013 montrait qu’en termes de sentiment d’utilité sociétale, 90 % des cadres de la fonction publique jugent leur métier « vraiment utile à la société », et 81 % d’entre eux déclarent par ailleurs que leur profession les « passionne vraiment ». En revanche, ces perceptions ne se retrouvent pas dans l’ensemble du corps des fonctionnaires : les employés de la fonction publique ne sont à l’inverse que 70 % à se déclarer heureux dans leur travail, et seulement 34 % reconnus par leurs supérieurs hiérarchiques. Les conflits de valeur tendent à se développer dans la fonction publique, en relation avec la mise sous tension des organisations. Ainsi, 28 % des salariés (publics et privés) déclarent qu’il leur arrive de « faire trop vite une opération qui leur demanderait davantage de soin », mais la FPH se distingue avec 40 % des salariés concernés.


4 – Les fonctionnaires sont rétifs au changement
La stabilité organisationnelle de la fonction publique est un mythe tenace. On constate au contraire qu’avec l’industrie manufacturière, les trois versants de la fonction publique ont le record des changements organisationnels les plus nombreux. Par ailleurs, ces changements nombreux sont moins bien vécus, notamment par les agents de l’État et de la fonction publique hospitalière.

 

En effet, les salariés de l’industrie et les agents de la fonction publique déclarent plus souvent que leur environnement de travail a été modifié par un changement organisationnel au cours des 12 derniers mois. Les changements de poste ou de fonction les concernent davantage que les autres salariés. Il en est de même pour les changements de l’organisation du travail, qui sont signalés par 24 % des salariés de l’industrie et de la fonction publique, et même par 31 % de ceux de la FPH (20 % pour l’ensemble des salariés). Quand ils vivent des changements, 37 % des salariés les jugent plutôt positifs pour leur travail, mais pour 28 % ils ont un impact plutôt négatif, en particulier dans la FPE et la FPH (32 % dans les deux cas). Ces changements peuvent être source d’un sentiment d’insécurité économique : 20 % des salariés du privé, mais 21 % des agents de la FPE et surtout 30 % de ceux de la FPH, estiment « vivre des changements imprévisibles ou mal préparés ». Cependant, la crainte de perdre son emploi dans l’année qui vient ne touche que 15 % des agents de la fonction publique, contre 27 % des salariés du privé et même 32 % de ceux de l’industrie.

 

Plutôt que de s’opposer au changement, les agents publics souhaitent des changements mieux préparés et accompagnés. Ils sont encore fortement soumis au travail répétitif, qui concerne 24 % d’entre eux dans la FPE, 40 % dans la FPT et 47 % dans la FPH (contre 44 % dans le privé).


5 – Les fonctionnaires sont des privilégiés du fait de la sécurité de l’emploi
Une étude très intéressante de la Dares (« Insécurité de l’emploi et exercice des droits dans le travail », Dares Analyses n° 2015-092, 18 décembre 2015) montre que le sentiment d’insécurité de l’emploi a fortement augmenté entre 2005 et 2013, en particulier pour les salariés en CDI, les agents de la fonction publique et les non-salariés. Les salariés qui craignent pour leur emploi, en CDI ou dans la fonction publique, tendent à faire valoir moins pleinement leurs droits : ils sont plus nombreux que les autres à venir travailler même quand ils sont malades et à ne pas prendre tous leurs congés.

 

Ces salariés en emploi « stable insécurisé » sont également plus nombreux à dépasser les heures prévues sans compensation en salaire ou en repos. C’est surtout le cas des cadres : 38 % des cadres du privé « stables insécurisés », contre 34 % de ceux en emploi « stable sécurisé ». Ce comportement est encore plus fréquent (47 %) parmi les cadres de la fonction publique qui déclarent craindre de perdre leur emploi. Ces salariés disposent moins souvent de consignes de sécurité, les respectent moins systématiquement quand ils en ont, et sont plus touchés par les accidents du travail. Ils peuvent moins facilement s’exprimer en cas de désaccord avec leur supérieur.

 

La sécurité de l’emploi, bien relative, a ses contreparties. Les salariés qualifiés de « stables insécurisés » vivent plus fréquemment des situations de conflits latents avec leurs supérieurs concernant la conception de la qualité du travail, sans pouvoir exprimer leurs désaccords. Ainsi, ils sont 16 % dans le secteur privé, mais 19 % dans la fonction publique à dire « avoir toujours ou souvent des désaccords avec leur supérieur hiérarchique sur la façon de bien faire leur travail », mais « ne pas pouvoir en discuter ». Cette situation touche seulement 8 % des salariés du secteur privé et 10 % des salariés de la fonction publique en emploi sécurisé. De même, devoir « éviter de donner son avis » et être amené à « faire des choses que l’on désapprouve » sont des situations plus fréquentes parmi les salariés « stables insécurisés », qu’ils soient salariés de la fonction publique, du secteur privé ou même en emploi non-salarié.

 

Les agents publics sont-ils mieux protégés de la discrimination que leurs collègues du privé ? Paradoxalement, l’équité, une valeur montante du management, semble mieux pratiquée dans le privé que dans la fonction publique : 27 % des salariés du privé pensent que leur supérieur ne traite pas équitablement les personnes qui travaillent sous ses ordres contre 32 % des agents publics, dont 29 % dans la FPE, 31 % dans la FPT et 39 % dans la FPH.

 

6 – Les fonctionnaires bénéficient d’une bonne protection vis-à-vis de leur santé au travail
Tous secteurs confondus, 76 % des salariés ont passé une visite médicale avec un médecin du travail ou de prévention au cours des deux dernières années, mais 6 % déclarent n’en avoir jamais rencontré. Ces derniers sont particulièrement nombreux dans la fonction publique d’État (17 %). Globalement, les politiques de prévention des risques professionnels ont été moins actives dans la fonction publique et dans les petits et moyens établissements du secteur marchand et associatif.

 

En dehors de la médecine du travail, la base de la prévention des risques professionnels repose sur le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER). Or, seuls 46 % des employeurs ont élaboré ou mis à jour ce document, pourtant obligatoire pour toutes les entreprises depuis 2001 (« La prévention des risques professionnels. Les mesures mises en œuvre par les employeurs publics et privés », Dares Analyses, 16 mars 2016). Dans la fonction publique, en particulier, cette évaluation n’est pas toujours disponible : 75 % des établissements de la FPH l’ont faite, mais seulement 51 % des établissements de la FPE et 33 % des collectivités territoriales (FPT). En revanche, 93 % des établissements du secteur privé employant 250 salariés et plus ont élaboré ou actualisé leur DUER.

 

Lorsque le DUER est disponible, il n’est malheureusement pas toujours correctement diffusé aux salariés. En 2013, seuls 29 % des salariés déclarent avoir eu connaissance de la rédaction d’un document unique d’évaluation des risques ; et parmi eux, 29 % seulement disent avoir été consultés pour son élaboration. Dans la fonction publique, la proportion des salariés déclarant avoir eu connaissance de la rédaction d’un document unique d’évaluation des risques est légèrement inférieure (de 24 % dans la territoriale à 25 % dans l’hospitalière). En revanche, la proportion des salariés déclarant avoir été consultés pour son élaboration est notablement supérieure dans la FP d’Etat (34 %) et surtout territoriale (36 %).

 

7 – Le management dans la fonction publique a des années de retard
Alors que le secteur privé bruisse des merveilles apportées par le concept d’entreprise libérée, y a-t-il une « administration publique libérée » ? La réponse est sans doute à chercher autour de l’autonomie au travail (voir : « Autonomie au travail : la France a tout faux ! », Management RSE, juin 2016 ). Le manque d’autonomie au travail est ressenti par 30 % des salariés du privé, qui disent qu’ils ne peuvent pas régler eux-mêmes les incidents. Cette proportion est identique dans la FPT (31 %), mais très dégradée dans la FPH (39 %). En revanche, avec 24 %, la FPE semble donner davantage d’autonomie. Cette forte prégnance du travail prescrit dans la FPH est confirmée par la proportion de salariés qui se disent tout à fait d’accord avec la proposition suivante : « je peux organiser mon travail de la manière qui me convient le mieux ». Cette proportion varie fortement en fonction de l’activité professionnelle et le secteur dans lequel elle est la plus faible est la fonction publique hospitalière (22 %), contre 30 % pour la fonction publique d’Etat et pour la moyenne du secteur privé. C’est ainsi que 83 % des agents publics déclarent apprendre des choses nouvelles dans leur travail, un meilleur score que celui du privé (75 %), mais qui s’étage de 76 % dans la FPT à 87 % dans la FPE et la FPH.

 

Pour améliorer le management, le législateur ces dernières années a multiplié les obligations d’entretiens professionnels, réputés apporter des solutions efficaces aussi bien en termes de RPS qu’en termes de qualification et évolution professionnelle. La part de salariés concernés par des entretiens individuels d’évaluation annuels dans le secteur privé n’est pas encore majoritaire (48 %), en particulier dans l’agriculture (9 %) et la construction (30 %). A l’opposé, les entretiens individuels d’évaluation annuels concernent 68 % des agents dans l’ensemble de la fonction publique (et en particulier 75 % dans la FPT et 81 % dans la FPH… mais seulement 57 % dans la FPE). Ils y sont obligatoires dans la majorité des secteurs, mais pas dans l’Éducation nationale où les enseignants ne bénéficient pas d’entretiens chaque année.

 

Contrairement à une autre idée reçue, la diffusion des outils informatiques est plus avancée dans le public que dans le privé, ce qui contribue à changer la donne pour le management.

 

Conclusion
Accepter de considérer le travail des agents publics change la perspective que l’on peut poser sur l’utilité sociale des trois versants de la fonction publique, même si cette analyse chiffrée reste au bord des réalités concrètes vécues dans le travail au quotidien. Reste à espérer que les responsables politiques s’emparent davantage de la nécessité de s’intéresser au travail de ceux qui sont en charge de la mise en œuvre des politiques qu’ils décident. Ils constateront alors que Courteline est déjà bien loin…

 

Pour aller plus loin :
Pour réaliser cette synthèse, j’ai mobilisé plusieurs études de la Dares issues de l’enquête Conditions de travail, que vous pouvez facilement trouver sur internet :

 

– « La prévention des risques professionnels. Les mesures mises en œuvre par les employeurs publics et privés », Dares Analyses, 16 mars 2016
– « Insécurité de l’emploi et exercice des droits dans le travail », Dares Analyses n° 2015-092, 18 décembre 2015
– Élisabeth Algava et Lydie Vinck, « Contraintes physiques, prévention des risques et accidents du travail ; Enquêtes Conditions de travail », Synthèse Stat’ n° 10 de la DARES, 17 mars 2015
– Élisabeth Algava et Lydie Vinck, « Autonomie dans le travail – Enquêtes Conditions de travail », Synthèse Stat’ de la DARES, n° 16, 15 octobre 2015
– Thomas Coutrot (Dares) et Emma Davie (DGAFP), « Les conditions de travail des salariés dans le secteur privé et la fonction publique », Dares, décembre 2014
– Élisabeth Algava (Dares), Emma Davie (Dgafp), Julien Loquet (Drees) et Lydie Vinck (Dares), « Conditions de travail : reprise de l’intensification du travail chez les salariés », Dares Analyses, juillet 2014
– Élisabeth Algava et Lydie Vinck, « Vécu du travail : reconnaissance, conflits de valeurs, insécurité et changements dans le travail », DARES et Enquêtes Conditions de travail, Synthèse statistique, Numéro 21, Juillet 2016
– Voir également : « Insee Références, édition 2016 – Fiches Temps et conditions de travail », août 2016

 

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J’aime le débat, la délibération informée, folâtrer sur « la toile », lire et apprécier la vie.

J’ai effectué la plus grande partie de mon parcours professionnel dans le Conseil et le marketing de solutions de haute technologie en France et aux États-Unis. J’ai notamment été directeur du marketing d’Oracle Europe et Vice-Président Europe de BroadVision. J’ai rejoint le Groupe Alpha en 2003 et j’ai intégré son Comité Exécutif tout en assumant la direction générale de sa filiale la plus importante (600 consultants) de 2007 à 2011. Depuis 2012, j’exerce mes activités de conseil dans le domaine de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) au sein du cabinet que j’ai créé, Management & RSE. Je suis aussi administrateur du think tank Terra Nova dont j’anime le pôle Entreprise, Travail & Emploi. Je fais partie du corps enseignant du Master Ressources Humaines & Responsabilité Sociale de l’Entreprise de l’IAE de Paris, au sein de l’Université Paris 1 Sorbonne et je dirige l'Executive Master Trajectoires Dirigeants de Sciences Po Paris.