5 minutes de lecture

Lundi 8 décembre c’était « le Grand oral du bonheur » aux Grands Voisins, à Paris. Y était réunie une bonne centaine de jeunes (par jeunes, entendez 18-35 ans). Chacun avait, comme plus de 50 000 de leurs pairs, répondu entre septembre et octobre 2016 à une enquête en ligne d’un genre nouveau : « Que du bonheur – l’enquête qui te donne la parole ». L’idée de l’association Génération Cobayes et de son partenaire Domplus était de sonder cette génération, connaître ses aspirations et sa définition du bonheur et ainsi ouvrir le dialogue avec les décideurs politiques, bien souvent dans l’incapacité de la comprendre.

 

voisins

Photo : Elsa Pereira pour TimeOut

 

Lundi à 18 h 30 nous nous rendons aux Grands Voisins, dans le 14e. Cet ancien hôpital réaffecté en espace ouvert à tous – dont l’ambition directrice est le bien commun – accueille des personnes démunies, des associations, des entreprises solidaires, artistes, artisans, créateurs, touristes, dans un joyeux bazar. Ce soir Génération Cobayes et son partenaire Domplus, ont pris possession du vieil amphithéâtre. Posters accrochés avec soin, ballons gonflés d’hélium et sourires par dizaines dressent le décor.

 

Ils ont invité quatre youtubeurs, qui se prêteront au jeu des questions-réponses pour annoncer et parler des résultats. De nombreux politiques, de tous horizons, ont aussi été conviés, mais, seul Yannick Jadot (candidat EELV à l’élection présidentielle) et Charlotte Girard (responsable du programme de la France Insoumise de Jean-Luc Mélanchon) ont fait le déplacement. Évocateur. Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT et Yannick Blanc, président de l’Agence du service civique étaient aussi présents.

 

Heureux, mais lucides

 

amphi

Photo : Alexandre Galbiati

 

À la découverte des résultats, nous avons la bonne surprise d’apprendre que l’enfant du millénaire (… français) est bien dans ses baskets. 82 % des répondants se disent, en effet, heureux. Mais attention, il y a des nuances.

 

Déjà, le niveau de bonheur exprimé augmente avec celui du diplôme. En fait, plus ce dernier est élevé et plus les jeunes ont l’impression de maîtriser leur vie. L’écart de niveau de bonheur entre les jeunes actifs (heureux à 86 %) et ceux en recherche d’emploi (heureux à 68 %) est lui aussi important – ce qui vaudra à Julien, l’un des youtubeurs, la punch line de la soirée : « Le bonheur est dans la quête, mais pas dans la quête d’emploi ! »

 

Par ailleurs, le degré de confiance que les jeunes ont en leur capacité d’être heureux dans l’avenir dépend de la catégorie sociale à laquelle ils pensent appartenir. En outre, et puisqu’ils sont lucides concernant le contexte sociétal actuel, ils sont 43 % à penser que leur vie sera plus difficile que celle de leurs parents.

 

Ces 82 % sont donc surprenants. Les Français sont connus pour leur pessimisme et l’ambiance actuelle tend à leur donner raison. D’ailleurs, les trois principaux sujets de préoccupation révélés par l’enquête sont : la dégradation de l’environnement, la montée de l’extrémisme en politique et le pouvoir des multinationales (le chômage et la crise n’arrivent qu’en 10 et 11e position, juste après la mort).

 

C’est ainsi que 75 % d’entre eux n’ont pas confiance en l’avenir de la France. En effet, déçus de la société, ils sont 89 % à clamer qu’elle n’est pas égalitaire. « Et à votre avis, combien de jeunes sont « d’accord » avec le fait qu’aujourd’hui, en France, les citoyens ont un vrai pouvoir démocratique ? » Au jeu des questions-réponses avec les youtubeurs, Syrius propose 15 %, Sophie 7 %. Théo, l’animateur, annonce le résultat « Et non ! Ils ne sont que 2 % ! » Stupeur dans la salle.

 

Lueur d’espoir, ils sont tout de même 82 % à être intéressés par la politique et 83 % à vouloir bâtir la société de demain. Théo soulève alors un point clé : « La défiance face aux institutions et au système établi est sans appel, mais l’engagement est bien là… comment faire pour capter ça ? »

 

« 32 heures, 10 semaines, 2000 euros »

 

musique

Photo : Thibaut Hasher – artworks


Arrive à présent la question cruciale du travail. Enfin, pas si cruciale, car pour les jeunes le bonheur c’est d’abord avoir une bonne santé, puis arrivent la famille, les amis, les amours et enfin le travail.

 

Les 18-35 ans semblent avoir bien capté leur temps. Ils sont 82 % à envisager exercer plusieurs métiers dans leur vie, d’ailleurs, la majorité estime qu’avoir un CDI (62 %) et gravir les échelons hiérarchiques (78 %) ne sont pas essentiels. En fait, ils aspirent à des « métiers passion » et en accord avec leurs valeurs. Pour 58 % d’entre eux, travailler c’est donc avant tout une source d’épanouissement personnel plutôt qu’un simple moyen de subsistance.

 

Tout ceci nous paraît bien raisonnable. C’était sans compter les chiffres stars de la soirée, annoncés par Camille, la présidente de Génération Cobayes : « En fait, nos conditions de travail idéales pour être heureux seraient de travailler 32 heures par semaines, d’avoir 10 semaines de vacances par an et un salaire mensuel de 2000 euros ! » La salle est hilare, consciente de cet idéalisme mignon d’une jeunesse à laquelle elle appartient.

 

On applaudit, c’est terminé. Des tartes, du vin et des bières bios nous attendent dans l’entrée, petit entracte avant un concert funk donné dans l’amphi. On échange sur les chiffres qui nous ont étonnés, ce manque de confiance en l’avenir de la France, ces angoisses sur des sujets graves comme l’environnement, ce sentiment de vide démocratique… et pourtant 82 % d’heureux ? Un dernier chiffre nous revient, et soudain tout s’éclaire. 80 % des jeunes pensent qu’il ne tient qu’à eux d’être heureux, un optimisme et une confiance en soi aptes à relever tous les défis.

Print Friendly, PDF & Email
Website | + posts

Secrétaire de rédaction de Metis, journaliste et rédactrice web, je suis passée par le marketing et les relations internationales.